logo

Présidentielle tunisienne : Nabil Karoui, le "Berlusconi tunisien", candidat depuis sa prison

Le candidat populiste à la présidence de la Tunisie, Nabil Karoui, emprisonné depuis le mois dernier, assure, dimanche, s'être qualifié pour le second tour du scrutin.

Malgré une campagne derrière les barreaux, Nabil Karoui, candidat à la présidence de la Tunisie incarcéré depuis le mois dernier, assure s'être qualifié pour le second tour du scrutin, dimanche 15   septembre, au soir du premier tour de l'élection présidentielle.

Surnommé le "Berlusconi tunisien", le patron du groupe de média et publicité Karoui & Karoui, mais aussi de la principale chaîne de télévision tunisienne, Nessma, avait été placé en détention le 23 août dernier sur ordre de la justice, qui le soupçonne de fraude fiscale et de blanchiment d'argent. La cour d'appel de Tunis avait rejeté, vendredi, la demande de remise en liberté de l'homme d'affaires, qui nie toute malversation et se dit victime de manœuvres politiques.

Depuis 2016, l’ONG anticorruption I-Watch, antenne locale de Transparency International, accuse Karoui et son frère, Ghazi, d’avoir créé des sociétés dans des paradis fiscaux dans le but d’alléger le montant de leurs impôts. Des accusations dont la justice vient seulement de se saisir, au risque désormais d’être taxée d’instrumentalisation par le pouvoir politique.

Un candidat "antisystème"

Incarcéré à la prison de la Mornaguia, près de Tunis, le millionnaire de 56   ans peut néanmoins poursuivre la bataille électorale puisque seule une condamnation aurait pu légalement l'en empêcher. Son séjour en détention n'a fait que renforcer son image de candidat "antisystème" et a ainsi fait grimper les intentions de vote en sa faveur.

Interrogée dans Le Parisien, son épouse, Salwa Smaoui, explique : "Il est combatif, sûr de lui, il se bat. Il gère comme il peut sa campagne depuis sa cellule avec un énorme sentiment d'injustice et de révolte par rapport à une élection que le pouvoir essaye de truquer. Heureusement, sur le terrain, les gens n'attendent qu'une chose   : voter pour le sortir de prison."

Défenseur des classes populaires

Formé au marketing, l'homme d'affaires débute sa carrière en France, en faisant du porte-à-porte pour la marque Colgate-Palmolive. Puis dans les années 1990, il fonde avec son frère la société Karoui & Karoui, devenant l'un des principaux acteurs de la publicité en Tunisie. Les deux frères créent ensuite Nessma TV en 2007.

Se revendiquant comme un défenseur des classes populaires, Nabil Karoui sillonne les régions défavorisées, distribuant nourriture et produits de première nécessité, au nom de son association, Khalil Tounes, créée après le décès de son fils aîné dans un accident de voiture. Des actions dénoncées par ses détracteurs qui y voient un "charity-business", ces opérations étant quotidiennement relayées sur la chaîne du magnat.

"Libérer l'économie"

Membre fondateur du parti Nidaa Tounes, arrivé en tête des législatives de 2014, et proche de Béji Caïd Essebsi, qui devient alors président, l'homme d'affaires ne rentre officiellement en politique qu’en mai dernier. Il annonce sa candidature sur sa chaîne de télévision et crée dans la foulée le parti Kalb Tounes ("Au cœur de la Tunisie"), fondé essentiellement autour de sa personnalité. Volontiers libéral, il se présente comme un entrepreneur voulant "libérer l'économie".

Rapidement présenté comme favori dans les sondages, le millionnaire n'a pas tardé à faire de l’ombre au Premier ministre, Youssef Chahed, également candidat. Karoui a également grignoté des voix du côté du parti Ennahdha, en faisant campagne dans le centre défavorisé de la Tunisie, au cœur du vivier électoral du parti islamiste.

Si la qualification au deuxième tour de Nabil Karoui , candidat incarcéré, se confirme, il s'agira d'une situation sans précédent dans le monde.

Avec AFP