logo

Alors que les Tunisiens sont appelés aux urnes dimanche pour le premier tour de la présidentielle, la chercheuse franco-tunisienne Sophie Bessis revient sur les enjeux d'un scrutin "très incertain avec un paysage politique très émietté".

À deux jours de l'élection présidentielle tunisienne, l'issue du premier tour s'annonce "très incertaine", comme l'explique à France 24 l'historienne et chercheuse franco-tunisienne Sophie Bessis : "Cette élection est très incertaine dans la mesure où elle se déroule dans un paysage politique très émietté, très fragmenté. Jamais l’incertitude n’a été aussi totale sur l’issue du premier tour de dimanche soir."

La chercheuse à l’IRIS, spécialiste des questions africaines et du Maghreb, revient sur la situation de plusieurs candidats, à commencer par "le populiste et populaire" Nabil Karoui, que la justice a décidé de maintenir en prison vendredi. "Il a joué sur l’aspect compassionnel de sa communication, il est allé distribuer aux pauvres du pays – dans les zones rurales reculées – de la nourriture, des objets usuels", explique-t-elle. "Et son slogan, c’est ‘Dieu, la patrie, les pauvres’. Mais ce n’est pas un programme."

Et Sophie Bessis interroge : "Est-ce qu’il sera capable de gouverner la Tunisie s’il arrive gagnant à l’issue du premier tour ? On peut en douter très sérieusement dans la mesure où il est tout de même accusé – sans être condamné pour l’instant – de délinquance financière grave dans beaucoup de domaines."

"Ennahda vise le perchoir de l'Assemblée nationale"

La surprise de ce premier tour pourrait aussi être le parti Ennahda "malgré l'érosion de son électorat", explique la chercheuse : "Ce parti garde un socle solide et il n’est pas impossible que son candidat officiel, Abdelfattah Mourou, arrive au second tour du scrutin."

Mais l'objectif d'Ennahda semble se porter sur un autre scrutin, selon Sophie Bessis : "(Ce parti) accorde certes une importance à l’élection présidentielle, mais beaucoup plus aux élections législatives. Et (Ennahda) vise le perchoir de l’Assemblée nationale – son président ayant un pouvoir très important, tandis que la Constitution tunisienne octroie au chef de l’État des prérogatives relativement limitées."

Enfin, concernant la situation politique et sociale actuelle en Tunisie, l'historienne et chercheuse franco-tunisienne estime que "depuis 2011, des forces politiques ont réussi à mettre en place un pacte politique qui a abouti à la promulgation de la Constitution de 2014". Avant de nuancer : "Elles (les forces politiques) n’ont soit pas voulu soit pas pu mettre en place un pacte social avec les couches populaires qui avaient été à l’origine du soulèvement de novembre 2010. Donc les réponses sociales n’ont pas été à la hauteur des attentes de la population, et la Tunisie aujourd’hui est en panne de politique économique."

Sophie Bessis affirme d'ailleurs que, parmi les 26 candidats en lice pour le premier tour dimanche, "aucun n’a présenté de réel programme économique et social qui puisse sortir la Tunisie de l’ornière. Ce sont en général des recettes éculées, et les citoyens le savent très bien."