L'ONG Open Arms a rejeté dimanche l'offre du gouvernement espagnol de faire accoster son navire humanitaire à Algésiras, la situation d'urgence à bord ne permettant pas, selon elle, d'entreprendre une telle traversée de la Méditerranée.
L’ONG espagnole Open Arms, dont le navire est bloqué depuis plus de deux semaines au large de l’île italienne de Lampedusa avec une centaine de migrants à son bord, a rejeté dimanche la proposition du gouvernement espagnol de débarquer à Algésiras, au sud de l'Espagne.
Selon une porte-parole de l'organisation humanitaire, la situation d'urgence à bord de l'Open Arms ne permet pas d'entreprendre cette longue traversée de la Méditerranée.
"Nous ne pouvons pas accepter d'aller dans un port espagnol parce que nous sommes dans un état d'urgence humanitaire extrême. Ce dont [les migrants secourus] ont besoin, c'est d'être débarqués maintenant. Il est impensable de naviguer six jours, le temps qu'il nous faudrait pour arriver à Algésiras", a-t-elle expliqué. "Nous mettrions en danger l'intégrité et la sécurité des passagers secourus et de l'équipage."
Face à ce refus, le gouvernement espagnol a alors fait, dimanche soir, une contre-proposition, proposant à l'ONG un débarquement dans "le port espagnol le plus proche sur sa route vers (les) eaux territoriales" de l'Espagne. Port qui pourrait se trouver sur les îles Baléares, selon des sources proches du gouvernement qui indiquent n'avoir pas encore reçu de réponse de l'ONG.
Dégradation des conditions de vie
Malgré un accord européen de répartition des 134 personnes secourues par le navire au large de la Libye, le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini lui interdit toujours l'accès au port de Lampedusa.
À la demande du président du Conseil, Giuseppe Conte, le chef de file de la Ligue, parti d'extrême droite, a toutefois autorisé samedi le débarquement de 27 mineurs isolés par des gardes-côtes italiens.
Il reste néanmoins 107 passagers à bord, et leur sécurité ne peut plus être garantie, avait déclaré samedi l'ONG espagnole qui a affrété le navire, avertissant que les conditions de vie se s'étaient considérablement dégradées à bord et que les rixes opposaient fréquemment les passagers excédés.
"Le désespoir a des limites"
Le fondateur de Proactiva Open Arms, Oscar Camps, a tweeté dimanche après-midi une vidéo sur laquelle on voit quatre migrants tenter de rejoindre à la nage le rivage de Lampedusa après avoir sauté du bateau. Ils sont rejoints par des sauveteurs qui les arrêtent.
"Cela fait des jours que nous prévenons que le désespoir a des limites", écrit-il. "De quoi Matteo Salvini a-t-il besoin pour sa campagne ? De morts ?"
17 días secuestrados en #OpeArms llevamos días avisando. Lo ordenó el Tribunal Adminitrativo Italiano, desembarco y asistencia urgente.@JunckerEU@EP_President#AngelaMerkel@sanchezcastejon
@EmmnuelMacron
¿Que más necesita @matteosalvinimi para su camapaña política?¿Muertos? pic.twitter.com/sFbQw9ahbq
L'Espagne et cinq autres États membres de l'Union européenne (la France, l'Allemagne, la Roumanie, le Portugal et le Luxembourg) ont accepté cette semaine de se répartir les personnes secourues par l'Open Arms. Cet accord de répartition reste d'actualité, a précisé le gouvernement espagnol. Dimanche, le ministère français de l’Intérieur a annoncé que la France était prête à accueillir 40 des migrants présents à bord.
"L'Espagne agit toujours en cas d'urgences humanitaires", avait de son côté déclaré le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, qui souligne dans le même temps la nécessité d'apporter une solution européenne au défi que posent les migrations dans le respect des "valeurs européennes de progrès et d'humanisme".
Il critique aussi la "réponse inconcevable des autorités italiennes", en particulier du ministre de l'Intérieur.
Salvini accuse l’ONG de mentir
Matteo Salvini, qui manœuvre par ailleurs pour obtenir des élections législatives anticipées, avait réaffirmé samedi que l'Open Arms aurait pu gagner les côtes espagnoles après avoir secouru les migrants, et que l'ONG était pleinement responsable de la détresse des passagers du navire humanitaire.
Dimanche, il a estimé que la proposition du gouvernement espagnol était une victoire pour son approche radicale de la question migratoire. "Ceux qui tiennent bon sont ceux qui gagnent", a-t-il écrit.
Il a également accusé l'ONG de mentir sur l'état de santé des migrants, ajoutant qu'une inspection médicale menée samedi à bord de l'Open Arms par les autorités italiennes n'avait pas conclu à une situation d'urgence sanitaire.
"Ils nous disent de faire débarquer les malades, et il s'avère qu'ils ne sont pas malades, ils nous disent de débarquer les mineurs et il s'avère qu'un grand nombre d'entre eux ne sont pas des mineurs (...). Ce sont de présumés mineurs et de présumés réfugiés fuyant de présumées guerres", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée sur Facebook.
Avec Reuters