Boris Johnson fait figure de grand favori pour succéder à Theresa May, qui a annoncé, vendredi, sa démission du poste de Première ministre. Selon les politologues Louise Thompson et Joseph Lacey, les jeux sont presque faits.
Theresa qui pleure, Boris qui rit ? L'annonce par la Première ministre britannique Theresa May, vendredi 24 mai, qu'elle comptait démissionner le 7 juin semble indiquer que le tour de Boris Johnson est venu. L'ancien maire conservateur de Londres, devenu le figure centrale du camp des partisans les plus farouches du Brexit est considéré comme le grand favori pour devenir le prochain locataire du 10, Downing street.
"Bien sûr que j'irais [prendre la tête du gouvernement, NDLR] !", avait-il récemment annoncé devant l'association des courtiers d'assurance. Depuis des semaines, Boris Johnson sillonne le pays promettant un "retour aux sources" du parti conservateur lorsqu'il en sera le chef du parti et du gouvernement… tout en se gardant de préciser ce qu'il entend par là.
Boris Johnson contre une dizaine de candidats
"Son principal atout est qu'il est de loin le plus connu des candidats à la succession de Theresa May", souligne Louise Thompson, politologue à l'université de Manchester, interrogée par France 24. Sa propension naturelle à occuper l'espace médiatique à grand renfort de déclarations tonitruantes et controversées lui a permis de marginaliser la concurrence.
Pourtant elle existe. Le quotidien The Guardian a dénombré une dizaine de candidats déclarés, dont certains sont des poids lourds du parti conservateur, comme l'ex-ministre au Brexit, Dominic Raab, et l'actuel chef de la diplomatie, Jeremy Hunt.
Pour parvenir à ses fins, Boris Johnson va devoir les dépasser tous à l'occasion d'un scrutin interne au parti conservateur que ses dirigeants espèrent pouvoir boucler "avant fin juillet", note la BBC. Et ce ne sera pas une promenade de santé pour le tonitruant favori. Le processus d'élection se déroule en deux phases : durant la première, tous les candidats plaident leur cause auprès des députés du parti qui, à l'occasion d'un scrutin à plusieurs tours, les éliminent les uns après les autres jusqu'à ce qu'il ne reste que deux prétendants. Les finalistes doivent ensuite se soumettre au vote de tous les membres du parti conservateur, des élus jusqu'aux militants inscrits.
"Le plus dur pour Boris Johnson va être la première phase", assure Joseph Lacey, politologue à l'université de Dublin, interrogé par France 24. Le député est, en effet, loin de faire l'unanimité au sein du groupe parlementaire conservateur. "Certains députés n'aiment pas le caractère imprévisible du personnage et son côté polarisant", souligne Louise Thompson. Honni par la gauche, il fait aussi figure d'épouvantail pour une partie de la droite modérée à cause de ses déclarations les plus provocatrices, comme sa sortie au sujet des femmes en burqa comparées à des "boîtes aux lettres". Les conservateurs les plus centristes lui reprochent aussi son manque de crédibilité sur la scène internationale. Son passage au ministère des Affaires étrangères (juillet 2016 à juillet 2018) a été marqué "par une absence d'accomplissement et une multitude de gaffes diplomatiques", rappelle Joseph Lacey. En 2017, il avait notamment comparé François Hollande à un garde de camp pendant la Deuxième Guerre mondiale.
L'intérêt électoral des conservateurs avant tout
D'autres, parmi les partisans du Brexit, doutent aussi de son euroscepticisme. Le Boris Johnson maire de Londres, qui avait séduit une partie de l'électorat de gauche en se montrant très ouvert sur le monde, n'a rien à voir avec celui qui, à l'occasion de la campagne pour le Brexit, a fustigé l'immigration et vanté un certain protectionnisme économique. "Il a une réputation de girouette, capable de dire et faire ce qu'il faut pour convaincre son interlocuteur, ce qui peut amener des députés les plus pro-Brexit à préférer un candidat plus fiable, comme Dominic Raab ou Michael Gove", note Louise Thompson.
"La grande question est de savoir si les députés conservateurs vont opter pour quelqu'un capable de faire mieux que Theresa May pour renégocier l'accord sur le Brexit, ce qui n'est pas forcément le cas de Boris Johnson, ou le meilleur candidat pour assurer une victoire des conservateurs lors des prochaines élections, qui est Boris Johnson", résume Joseph Lacey. Il ne pense, cependant, pas qu'il y aura beaucoup de suspens car "historiquement, les conservateurs ont toujours fait passer leur intérêt électoral avant tout le reste".
Si l'ex-maire de Londres figure parmi les deux finalistes, sa popularité auprès des militants devrait lui permettre de s'imposer "à condition de donner quelques gages aux conservateurs les plus modérés", estime Louise Thompson. Pour Joseph Lacey, à ce stade, le seul qui pourra empêcher Boris Johnson d'accéder à la tête des conservateurs est Boris Johnson, qui est toujours prêt de pousser la provocation trop loin.
Son arrivée probable au 10, Downing street ne devrait pas débloquer le dossier du Brexit, d'après les experts interrogés. Côté UE, Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais, a indiqué vendredi que Bruxelles ne comptait pas renégocier l'accord avec un nouveau chef de gouvernement britannique. Côté Londres, "Boris Johnson va être tenté, comme Theresa May, de courtiser avant tout les partisans les plus acharnés du Brexit pour s'assurer de leur soutien, alors que s'il veut trouver un projet alternatif au plan de Theresa May, il devrait d'abord négocier avec les députés les plus modérés et le parti travailliste", estime Louise Thompson. Pour Joseph Lacey, "avec Boris Johnson à la tête du gouvernement, le scénario d'une sortie sans accord de l'UE gagne en crédibilité".