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Mexico réclame des excuses pour les "abus" coloniaux, Madrid refuse

Le président mexicain André Manuel Lopez Obrador a réclamé lundi des excuses à l'Espagne pour les "abus" commis durant la période coloniale. La demande a été sèchement rejetée par le gouvernement espagnol.

Les plaies de la colonisation ont été rouvertes avec la demande d'excuses formulée par le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador – surnommé Amlo – au roi d'Espagne pour les "abus" contre les peuples indigènes du Mexique. Madrid a adressé mardi 26 mars une sèche fin de non-recevoir alors que l'Espagne est plongée dans une campagne électorale.

"J'ai envoyé une lettre au roi d'Espagne et une autre au pape (François) pour que le récit des abus soit fait et que des excuses soit présentées aux peuples indigènes (du Mexique) pour les violations de ce qu'on nomme aujourd'hui leurs droits de l'Homme", a indiqué Amlo dans un message vidéo publié lundi sur sa page Facebook.

Dans cette vidéo filmée sur le site archéologique maya de Comalcalco (sud-est du Mexique), le président de gauche leur demande de reconnaître les "massacres" durant la Conquête, débutée après l'arrivée du premier conquistador Hernan Cortes au XVIe siècle.

"La 'Conquête', comme on la nomme, s'est faite avec l'épée et la croix", a-t-il rappelé. "Le temps de se réconcilier est venu. Mais d'abord qu'ils demandent pardon", a ajouté Andrés Manuel Lopez Obrador.

La réponse du gouvernement espagnol a été rapide et sans équivoque. "Le gouvernement d'Espagne regrette que la lettre envoyée par le président mexicain à sa majesté le roi (d'Espagne Felipe VI), dont elle rejette fermement le contenu, ait été rendue publique", a-t-il indiqué.

"L'arrivée, il y a 500 ans, des Espagnols sur le territoire mexicain actuel ne peut pas être jugée à l'aune de considérations contemporaines", a-t-il poursuivi.

La droite espagnole rétorque "Venezuela"

Mardi, dans une Espagne en campagne électorale, la demande de Lopez Obrador suscitait des réactions offusquées, comme celle du leader du parti libéral Ciudadanos, Albert Rivera, pour qui "la lettre de Lopez Obrador est une offense intolérable au peuple espagnol".

La carta de López Obrador es una ofensa intolerable al pueblo español. Así actúa el populismo: falseando la historia y buscando el enfrentamiento. Cuando gobernemos lideraremos la unión y colaboración entre España y las naciones hermanas de Latinoamérica. https://t.co/t6uNejFHnD

  Albert Rivera (@Albert_Rivera) 26 mars 2019

"Le président mexicain devrait arrêter de se battre avec Hernan Cortes qui est mort et s'attaquer (au président vénézuélien Nicolas) Maduro qui continue à tuer", a accusé pour sa part Gonzales Pons, élu du Parti populaire (droite) au Parlement européen. Le Mexique se veut neutre dans la crise du Venezuela et n'a pas reconnu l'opposant de Nicolas Maduro, Juan Guaido, comme président par interim.

"Si cet individu croit vraiment ce qu'il dit, c'est un imbécile. S'il ne le croit pas, il est sans scrupules", a surenchéri l'écrivain Arturo Perez-Reverte.

Ione Belarra du parti de gauche radicale Podemos a en revanche salué la demande de Lopez Obrador qui a "raison d'exiger que le roi demande pardon".

Amlo pour une "réconciliation historique"

Le Mexique va commémorer en 2021 le bicentenaire de l'indépendance du Mexique et les 500 ans de la chute de Tenochtitlan, l'ancien nom de Mexico sous la domination aztèque. Amlo a dit y voir l'occasion d'une "réconciliation historique".

Il s'est également rendu lundi dans la ville proche de Centla, théâtre de la première bataille entre Hernan Cortes et les peuples indigènes, le 14 mars 1519.

"Des milliers de personnes ont été assassinées durant cette période. Une culture, une civilisation s'est imposée à une autre", a dénoncé Lopez Obrador dans un discours. "Il y a encore des blessures ouvertes. Il est mieux de reconnaître que des abus et erreurs ont été commis."

Le président mexicain a annoncé qu'il demanderait pardon pour "l'extermination" des peuples autochtones dans le Mexique indépendant, comme les Yaquis dans le nord du pays, ou les Mayas au sud, ainsi que pour les persécutions envers les immigrés chinois durant la Révolution mexicaine.

La Conquête espagnole du Mexique a débuté en 1519 avec une armée de moins de 1 000 hommes dirigée par Hernan Cortes. Ce stratège, parvenu à renverser l'empire aztèque, a ouvert la voie à une période de colonisation de 300 ans.

Fin janvier, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, avait effectué une visite officielle au Mexique au cours de laquelle les pays ont réaffirmé leurs liens d'amitié et de coopération.

Le peuple mexicain est le produit d'un métissage culturel entre l'Europe et les Amériques. Selon une étude publiée par un organisme scientifique gouvernemental mexicain, 98 % de la population mexicaine descend d'un mélange de populations autochtones, européennes (principalement espagnoles) et africaines.

Amlo, qui a pris ses fonctions le 1er décembre, s'est présenté comme un candidat anti-système, champion de la cause indigène. Des polémiques éclatent régulièrement sur l'influence coloniale dans le Mexique d'aujourd'hui.

Avec AFP