
Dans l'enclave de Baghouz, ultime fief de l'organisation État islamique à l'est de la Syrie, les combattants étaient repliés, vendredi 8 mars, dans un campement où ils sont assiégés par des forces soutenues par Washington.
Le bras de fer se poursuit dans la région de Baghouz, à l’est de la Syrie. Vendredi 8 mars encore, les jihadistes de l’organisation État islamique (OEI) étaient repliés dans un campement au bord d'une rivière. Face à eux, les forces assiégeantes, soutenues par Washington, s'apprêtent à leur livrer une ultime bataille.
Du petit village de Baghouz, à la périphérie duquel se trouve le campement, fuient des milliers d'hommes, femmes et enfants, dont de nombreux blessés et éclopés.
Ceux restés sur place refluent vers le campement de fortune, non loin de la frontière avec l’Irak. De rares images montrent un océan de voitures et de tentes couleur sable. Parmi elles, se faufilent des femmes en niqab noir, au milieu d'une végétation dense de roseaux.
Derrière les murs dressés pour faire face aux forces du régime syrien situés sur l’autre rive, des silhouettes s'activent.
Appuyées par la coalition internationale menée par les États-Unis, les Forces démocratiques syriennes (FDS), elles, attendent la fin des évacuations des civils pour repartir à l'offensive et reprendre totalement à l'OEI son ultime bastion en Syrie. Cette conquête signerait enfin la chute du "califat" proclamé il y a près de cinq ans par l'organisation jihadiste.
58 000 personnes ont fui la région de Baghouz depuis décembre
Les FDS accusent le groupe ultraradical d'utiliser les civils comme "boucliers humains". Si les FDS ont confié avoir été surpris par le nombre de personnes ayant fui le village, il est à ce jour impossible de savoir combien s’y trouvent encore.
Plus de 7 000 personnes ont quitté Baghouz cette semaine. L’objectif : rejoindre les positions tenues par les FDS qui, inévitablement, les soumettent à des interrogatoires et des fouilles pour déceler parmi eux d'éventuels jihadistes.
Au total depuis décembre, ce sont 58 000 personnes, principalement des familles de jihadistes, qui ont quitté la région, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Parmi elles, plus de 6 000 jihadistes ont été arrêtés.
"Les vauriens et les peureux sont sortis, et nous [les femmes] sommes parties parce que nous étions un fardeau pour les hommes", explique Oum Mohamed, 47 ans, femme d’un membre de l’ OEI .
Non loin d’elle, des femmes font leurs prières quotidiennes, d'autres lisent le Coran. Couvert de poussière, un sac à dos sur les épaules, un jeune garçon chantonne en souriant un chant religieux à la gloire de l' OEI .
"L'État du califat ne va pas disparaître, il est imprimé dans les cerveaux et les cœurs des nouveau-nés et des petits [ayant fui Baghouz avec leurs mères]", assure une sexagénaire.
Après une montée en puissance fulgurante, les jihadistes avaient proclamé, en juin 2014, un "califat" à cheval sur de vastes régions conquises en Syrie et en Irak voisin, attirant des milliers d'étrangers.
Un combat "loin d’être fini"
Au terme de multiples offensives ces deux dernières années, les jihadistes ont perdu la quasi-totalité des territoires qu’ils avaient conquis. Toutefois, le général Joseph Votel, chef des forces américaines au Moyen-Orient refuse de crier victoire. Jeudi 7 mars, il a d’ailleurs averti que le combat contre l'OEI en Syrie était "loin d'être fini".
"Les observations récentes de nos hommes et femmes sur le terrain montrent que la population de l'OEI évacuée des derniers vestiges du califat [à Baghouz] reste largement impénitente, résolue et radicalisée", a-t-il expliqué devant une commission du Congrès américain, avant d’ajouter que le "califat" risquait de devenir une "organisation désagrégée", dont les dirigeants et combattants, bien que passés dans la clandestinité, demeureront motivés par une idéologie extrémiste.
Le président Donald Trump avait annoncé brusquement en décembre le retrait total et immédiat des forces américaines déployées dans le nord-est syrien, déclarant une victoire totale contre l'OEI. Depuis, il s'est laissé convaincre par le Congrès et le Pentagone de ralentir le retrait et de laisser dans cette zone, non contrôlée par le régime syrien, une "force résiduelle" évaluée à environ 200 militaires.
La bataille contre l'OEI représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360 000 morts depuis le 15 mars 2011, le régime syrien, soutenu par la Russie et l'Iran, ayant reconquis près des deux-tiers du pays.