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La Maison Blanche accusée d’utiliser une vidéo trafiquée pour justifier une sanction contre CNN

La porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, a partagé une vidéo censée montrer le comportement violent d’un journaliste de CNN à l’égard d’une employée de la Maison Blanche. Problème : la séquence aurait été trafiquée.

"Ça ne peut pas se passer comme ça dans une démocratie." Le syndicat américain des journalistes News Guild n’en revient pas. Certains médias évoquent de leur côté une "dystopie" ou une "crise de réalité". À l’origine de cette levée de boucliers : une vidéo postée sur Twitter, jeudi 8 novembre par Sarah Sanders, la porte-parole de l’administration Trump, pour justifier la décision présidentielle d’interdire au journaliste de CNN Jim Acosta l’accès à la Maison Blanche. La séquence aurait été trafiquée pour faire passer la pilule.

We stand by our decision to revoke this individual’s hard pass. We will not tolerate the inappropriate behavior clearly documented in this video. pic.twitter.com/T8X1Ng912y

  Sarah Sanders (@PressSec) 8 novembre 2018

Le clip partagé montre le correspondant de la chaîne américaine empêchant une "stagiaire" de la Maison Blanche de lui reprendre le micro durant un échange tendu avec Donald Trump, mercredi 7 novembre. Les images prouveraient la "violence" du geste de Jim Acosta, assure Sarah Sanders. L’employée ainsi "malmenée" aurait été "choquée", ce qui expliquerait la sanction prononcée contre Jim Acosta.

Problème : il n’aura fallu que quelques heures à plusieurs experts américains du montage vidéo pour dénoncer une manipulation grossière des images. Le mouvement du bras du journaliste a été légèrement accéléré afin de donner une impression d’agressivité à son geste, a constaté Abba Shapiro, un producteur vidéo indépendant qui a analysé la séquence. Le site Storyful, spécialisé dans la vérification des contenus postés sur les réseaux sociaux, a découvert que des plans ont été ajoutés au moment où Jim Acosta touche le bras de la stagiaire, donnant ainsi l’impression d’une plus grande brutalité de la part du journaliste.

1) Took @PressSec Sarah Sanders' video of briefing
2) Tinted red and made transparent over CSPAN video
3) Red motion is when they doctored video speed
4) Sped up to make Jim Acosta's motion look like a chop
5) I've edited video for 15+ years
6) The White House doctored it pic.twitter.com/q6arkYSx0V

  Rafael Shimunov ???? (@rafaelshimunov) 8 novembre 2018

La piste Infowars

Indice supplémentaire qu’il y a anguille sous pixels : la vidéo a été mise en ligne, à l’origine, par Paul Joseph Watson, un contributeur au site d’extrême droite Infowars, spécialisé dans les propagations de théories du complot. Interrogé par le site Buzzfeed, cet activiste a démenti avoir trafiqué les images, assurant les avoir simplement récupérées sur Daily Wire, un autre site de la nébuleuse ultraconservatrice.

Reste à savoir si Sarah Sanders a partagé cet apparent montage en connaissance de cause ou non. "Vous avez publié une vidéo trompeuse, un exemple flagrant de 'fake news'. L’histoire vous jugera sévèrement", a lancé Matt Dornic, un vice-président de CNN, à la porte-parole de la Maison Blanche.

Cette vidéo s’est rapidement imposée comme une pièce centrale dans l’affrontement féroce aux États-Unis entre l’administration Trump et les médias, qui s’accusent mutuellement de manipuler l’information. "L’ironie de cette affaire est que si la manipulation est confirmée, cela montrera sans l’ombre d’un doute que la Maison Blanche fait exactement ce qu’elle reproche aux médias : propager des fausses informations", a estimé Aly Colon, professeur d’éthique journalistique à l’université Washington & Lee.