Yaël Braun-Pivet, corapporteure de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla à l'Assemblée, a déclaré, lundi, avoir porté plainte pour injures sur Twitter. C’est aussi le cas d’Alexandre Benallaoua, un quasi-homonyme de d'Alexandre Benalla.
Après une plainte pour injures déposée le 27 juillet par Alexandre Benallaoua, un quasi-homonyme d'Alexandre Benalla, c’est au tour de Yaël Braun-Pivet de saisir la justice. La corapporteure de la commission d’enquête à l'Assemblée nationale a reçu des dizaines de messages injurieux, dont des tweets antisémites et sexistes.
Depuis le début des travaux conduits par la @AN_ComLois, je suis destinataire de dizaines de messages de menaces et d’injures à caractère sexiste et antisémite. Rien ne justifie une telle violence. Elle est intolérable. C’est pourquoi j’ai déposé plainte aujourd’hui. pic.twitter.com/QfQeddZ47J
Yaël BRAUN-PIVET (@YaelBRAUNPIVET) 30 juillet 2018Dans un communiqué, la députée LREM indique, lundi 30 juillet, que sa famille et elle ont été la cible de messages de menaces. "Rien ne justifie une telle violence. Elle est intolérable. C'est pourquoi j'ai porté plainte pour injures et menaces aujourd'hui auprès du commissariat du 7e arrondissement de Paris", a expliqué cette avocate de profession.
Elle a joint à son communiqué certains de ces messages, comme "rasage comme en 45" ou "voilà la connasse qui préside la commission ce matin 100% des ripoux En Marche", photos parfois à l'appui.
L’affaire Benalla nourrit les logiques complotistes
Ce genre de cyberharcèlement n’est pas rare sur les réseaux sociaux, dès que des scandales éclatent au grand jour, surtout lorsqu’ils impliquent des personnalités politiques. "Cela relève de la défiance envers les politiques et les médias à retranscrire les faits dans leur vérité", estime Pauline Escande-Gauquier, maître de conférences à Sorbonne Université Celsa et auteur de "Monstres 2.0" (Éd. François Bourin). Ces cyber-harceleurs sévissent d'autant plus lorsque semble avoir été révélée une vérité qui jusque-là paraissait avoir été cachée.
La chercheuse a constaté que dans ce genre de phénomènes, les cyberharceleurs adhèrent à des communautés de pensée qui font confiance aux paroles émises sur les réseaux sociaux, "supposées vraies car émises par le peuple, avec des logiques complotistes dénonçant des personnalités qui arrangent le système en leur faveur". Dans l’affaire Benalla, "un proche du président qui n’a pas été sanctionné comme il se devait, alors qu’il avait commis une faute grave, nourrit parfaitement leurs fantasmes de complots généralisés" analyse Pauline Escande-Gauquier.
"L’objectif est de salir les personnes ou organes qui tentent de rentrer dans une procédure d’objectivisation des faits" ajoute-t-elle. Suivant cette logique, Yaël Braun-Pivet, en tant que corapporteure de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale est une cible toute désignée.
Marie Després-Lonnet, professeur des Universités à la faculté Louis Lumière de Lyon et spécialiste des médias numériques rappelle que les femmes sont plus fréquemment la cible des insultes sur les réseaux sociaux dès qu’elles prennent la parole, y compris sur des sujets communs comme de simples tutoriels sur YouTube. Alors, lorsqu’il s’agit d’affaires polémiques, elles sont encore plus visées. "Comme toutes les violences contre les femmes, le cyberharcèlement découle d’une volonté de réduire au silence par des procédés sexistes et, souvent, des insultes à caractère sexuel", rappelait en mai le collectif de journalistes "Prenons la une", qui dénonçait alors les cas d'insultes et de menaces envers les femmes journalistes sur les réseaux.
Même si cette dame est une adversaire politique, ce genre de propos est inacceptable et révoltant ! Je suis totalement solidaire avec Yael Braun Pivet et ces gens doivent être condamnés #Franceinsoumise https://t.co/EIHJ5PAD97
Minette Valentin (@MinetteValentin) 31 juillet 2018Tout mon soutien à @YaelBRAUNPIVET visée par d’odieuses attaques.
Les lâches auteurs de ce déferlement de haine et d’ignominies devront être identifiés et jugés.
Après l'annonce de sa plainte, la députée Yaël Braun-Pivet a reçu le soutien de plusieurs membres du gouvernement, des parlementaires de sa formation, mais aussi celui de ses adversaires en politique. "Les lâches auteurs de ce déferlement de haine et d'ignominies devront être identifiés et jugés", a réagi le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. Les députés La France insoumise, qui l’avaient violemment critiquée, l’accusant de "protéger" l’Élysée durant la tenue des auditions de la commission d'enquête, ont fait part de leur "indignation". "Malgré nos profondes oppositions politiques, nous ne pouvons accepter qu'une élue de la République soit visée par des insultes antisémites et/ou sexistes", ont-ils affirmé.
Alexandre Benallaoua, l’homonyme harcelé
Autre victime de cette avalanche de haine : Alexandre Benallaoua, un Toulousain de 41 ans dont les nom et prénom ressemblent vaguement à ceux du protagoniste du scandale qui secoue l’Élysée depuis quelques semaines. Des centaines de personnes lui ont adressé des messages le félicitant mais surtout des injures, dont certaines à caractère homophobe, a indiqué son avocat, Me Arash Derambarsh. L a faute à l’algorithme de Facebook qui propose le profil du jeune homme en première occurrence à ceux qui seraient tentés de chercher l’ex-chargé de mission au cabinet d’Emmanuel Macron sur le réseau social. Une autre coïncidence a pénalisé le Toulousain qui, tout comme Benalla, est né à Évreux (Eure) et porte une barbe.
Une plainte a été déposée le 26 juillet au tribunal de grande instance de Paris a précisé Me Arash Derambarsh. La veille au soir, en rentrant chez lui, Alexandre Benallaoua avait retrouvé sa boîte aux lettres vandalisée. Plusieurs lettres de son nom avaient été retirées pour former "Benalla".
"Il est important que les auteurs de ces affaires soient condamnés pour éviter la légitimation sociale de la parole antisémite, raciste, homophobe ou sexiste" estime Marie Després-Lonne. Elle cite le cas de la journaliste Nadia Daam, harcelée sur Twitter. Trois de ses cyberharceleurs ont été condamnés début juillet à six mois de prison avec sursis. "Ces gens existent, on peut les retrouver lorsque la police s’en donne les moyens", rappelle la spécialiste des médias numériques.
Avec AFP