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Pologne : la présidente de la Cour suprême refuse sa mise à l'écart

Acclamée par une foule de partisans, la présidente de la Cour suprême polonaise Malgorzata Gersdorf s'est rendue mercredi à son bureau, défiant ainsi le chef de l'État, Andrzej Duda, qui tente de la mettre à la retraite forcée.

"J'espère que l'ordre légal sera rétabli en Pologne." Voici ce qu'a déclaré mercredi 4 juillet Malgorzata Gersdorf aux sympathisants, entre 3 000 et 4 000 selon les journalistes de l'AFP, rassemblés devant le siège de la Cour suprême. Précisant : "Je ne m'engage pas en politique. Je le fais pour défendre l'État de droit et marquer la limite entre la Constitution et la violation de la Constitution".

Les manifestants ont scandé "Constitution", "Tribunaux libres", "Nous sommes avec vous" et "Inamovibles", en signe de soutien à Malgorzata Gersdorf et aux autres 26 juges de la Cour censés quitter la vie active en raison de l'abaissement de l'âge de la retraite de 70 à 65 ans, inscrit dans la réforme menée par les conservateurs du parti majoritaire Droit et Justice (PiS).

"Défendre la Constitution, l'indépendance de la justice et la démocratie"

"Je suis là [devant la Cour suprême] pour défendre la Constitution, l'indépendance de la justice et la démocratie. Comme tous les soirs, toute la semaine", explique Agnieszka Makowiecka, une Varsovienne âgée de 57 ans.

Sans faire référence explicitement à la situation à la Cour suprême, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a affirmé dans le même temps mercredi matin à Strasbourg, devant le Parlement européen, que son pays avait "le droit" de "construire son système judiciaire selon ses propres traditions". Ajoutant devant les eurodéputés : "l'unité dans la diversité, cette devise de notre Union Européenne, ce n'est pas un slogan vide".

"Une Cour suprême avec deux présidents"

La situation de la Cour suprême est confuse : le chef de l'État, Andrzej Duda, a signifié mardi 3 juillet à Malgorzata Gersdorf que pour lui elle était déjà à la retraite, ayant atteint l'âge de 65 ans, et qu'il avait confié son intérim à un autre juge de la Cour, Jozef Iwulski. Mais cette dernière a annoncé qu'elle désignait le même juge, comme son remplaçant "pendant son absence", réaffirmant ainsi son intention de garder ses fonctions.

Le quotidien indépendant Dziennik Gazeta Prawna a commenté ces développements en titrant mercredi : "Une Cour suprême avec deux présidents". Le journal proche de l'opposition Gazeta Wyborcza a choisi de dénoncer "Un viol de la Cour suprême".

Le conflit entre la majorité des juges de la Cour suprême et le pouvoir politique polonais s'inscrit dans un différend plus vaste opposant Varsovie à la Commission européenne à propos de réformes judiciaires lancées au nom d'une plus grande efficacité de la justice. Ces réformes sont perçues par leurs adversaires, comme allant à l'encontre du principe de séparation des pouvoirs, au profit du pouvoir politique.

La Cour de justice de l'Union européenne bientôt saisie ?

Également critique à l'égard du pouvoir politique polonais, la Commission européenne a lancé lundi 2 juillet une procédure d'infraction d'urgence contre Varsovie. Celle-ci pourrait aboutir, après plusieurs étapes, à la saisie de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et à des sanctions financières.

À Varsovie, des personnalités de l'opposition, telle la présidente du parti libéral Nowoczesna Katarzyna Lubnauer, la présidente centriste de Varsovie Hanna Gronkiewicz-Waltz ou l'ancien ministre de la Justice, Borys Budka, ont participé à la manifestation mercredi matin.

Mardi soir déjà, entre 4 000 et 5 000 manifestants, selon les estimations des journalistes de l'AFP, se sont rassemblés devant le siège de la Cour suprême pour témoigner de leur soutien à sa présidente. Venue les remercier, Malgorzata Gersdorf a été applaudie lorsqu'elle a réaffirmé qu'elle resterait à son poste "jusqu'en 2020", conformément à son mandat de six ans, inscrit dans la constitution.

Avec AFP