
Alors que le festival de Cannes interdit désormais la compétition officielle aux films qui ne sortent pas en salles, le CSA et le CNC dressent un état des lieux inédit du marché français de la vidéo à la demande par abonnement, ou SVOD.
CANNES. – Le CNC et le CSA ont dévoilé en avant-première les résultats d’une étude commune sur le marché français de la vidéo à la demande par abonnement, lors d’un débat organisé pendant le festival de Cannes intitulé "Cinéma et plateformes numériques : je t’aime, moi non plus" – un titre soufflé à ses organisateurs par Thierry Frémaux en personne.
Alors que la réforme de la chronologie des médias paraît aujourd’hui cruciale afin d’y intégrer les nouveaux acteurs de la SVOD toujours plus importants, les deux institutions françaises livrent un état des lieux du marché, mais aussi de ses enjeux économiques et de régulation. Et malgré quelques inexactitudes soulignées par des internautes, cette étude a le mérite de dévoiler des chiffres intéressants que les plateformes préfèrent souvent garder secrets. Voici ce qu’on en retient.
À noter que si cette étude a été publiée le 12 mai 2018, les chiffres et autres graphiques relatent des informations arrêtées en juin 2017.
Le CNC et le CSA annonce pour la première fois la publication d'une étude commune sur la vidéo à la demande par abonnement en France #Cannes2018 pic.twitter.com/PEDhmh9AR6
— Louise Wessbecher (@LouiseWSB) 12 mai 2018
65 plateformes pour 249 millions d’euros de marché
Si on a tendance à beaucoup entendre parler de Netflix et Amazon Prime Video, ils sont loins d’être les seuls acteurs du marché de la vidéo à la demande par abonnement en France. En tout, ce sont en fait 65 plateformes qui se partagent le gâteau, avec des services généralistes comme Netflix, SFR Play, CanalPlay ou Videofutur, et des services thématiques comme Filmo TV, TFOU Max, Studio+ ou Eurosport Player. À titre de comparaison, l’offre était trois fois moins importante en 2010.
Et le nombre de services de SVOD progresse en même temps que le marché. Par rapport à 2012, deux ans avant l’arrivée de Netflix en France, le poids économique du secteur a été multiplié par neuf. En 2017, il atteint 249 millions d’euros – soit un bon de 91 % par rapport à l’année précédente. Pourtant les 65 services sont loin d’être égaux…
Netflix, leader incontesté
Netflix est pour le moment le leader incontesté de la SVOD en France, devant SFR Play, Amazon Prime Video et Canalplay. Et si Reed Hastings refuse systématiquement de donner des chiffres détaillés de ses abonnés par pays, les estimations du CNC avançaient deux millions d’abonnés pour la fin 2017 d’après cette étude. Mais lors de la conférence de presse donnée à Cannes, la directrice du CNC Frédérique Berdin a revu ce chiffre largement à la hausse : "Aujourd’hui, Netflix c’est 70 % de parts de marché de la SVOD et 3,5 millions d’abonnés en France."
Une audience qui pourrait bien continuer de grandir alors que la plateforme a annoncé une poignée de productions originales française, allant des documentaire sur le 13-Novembre et l’affaire du Petit Grégory au spectacle de Dany Boon, en passant par les série "Génération Q" et "Osmosis".
Au passage, si Netflix refuse également de communiquer sur les audiences de ses shows, le directeur général de la SACD, Pascal Rogard, a tenu à préciser que la SACD avait bien accès à toutes les données de consommation des œuvres de Netflix pour pouvoir reverser leur dû aux auteurs en France.
Des séries avant tout, le mobile minoritaire
S’il est compliqué de tirer des leçons du comparatif des catalogues bien trop fluctuants de ces plateformes, cette étude commune du CSA et du CNC dresse par contre un portrait intéressant des habitudes de consommations des français.
"Le poste de télévision reste le premier écran en France"
On apprend ainsi que malgré l’avènement des smartphones, tablettes et autres écrans mobiles, "le poste de télévision reste le premier écran en France", souligne Nathalie Sonnac, conseillère au CSA. 62 % des programmes de vidéo à la demande par abonnement sont consommés sur l’écran de télévision, 21 % sur ordinateur, 9 % sur tablette et 7 % seulement sur smartphone. Et si la place de la télévision reste si importante, c’est sans doute parce que les utilisateurs de SVOD aiment mutualiser leur abonnement et regarder leurs programmes à plusieurs.
Quant à savoir ce que regardent les Français sur ces différents services, il s’agit en grande majorité de séries (48 %), suivies par les films (28 %) et les programmes destinés à la jeunesse (16 %). "Plus des trois quarts des utilisateurs regardent ainsi une série en vidéo à la demande par abonnement au moins une fois par semaine sur leur plateforme, avec une part significative qui en visionne tous les jours", relève l’étude.
Financer la création
Outre un simple état des lieux, cette étude commune vise à dresser des pistes quant à l’avenir de ce secteur en pleine croissance et à sa régulation. Si les plateformes dépensent en moyenne entre 3 000 et 4 000 euros pour l’acquisition d’une œuvre cinématographique sur le marché français – "un prix fixe convenu à l’avance" sans "partage de revenu en fonction du nombre de visionnages" –, le CNC comme le CSA souhaitent voir ces services, souvent établis à l’étranger, participer au financement de la création locale en les soumettant à "des obligations d’investissements".
Mais d’après le CNC, Netflix n’aurait toujours pas payé la taxe qui porte son nom et qui prévoit un prélèvement de 2 % de son chiffre d’affaires.
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