Les députés ont adopté samedi le doublement de la durée maximale de rétention administrative pour les étrangers, une mesure incluse dans le projet de loi asile et immigration qui suscite des réserves au sein même de la majorité.
Alors même que la loi asile immigration fait débat quant à son organisation, les députés ont donné leur feu vert samedi 21 avril à une des mesures les plus contestées du projet de loi asile et immigration : l'augmentation de la durée maximale de séjour en centre de rétention des étrangers en attente de leur expulsion.
Cet article phare du texte porté par Gérard Collomb, qui prévoit notamment que la durée maximale de rétention va passer de 45 jours à 90 jours, a été adopté par 77 voix contre 31, avec 46 abstentions. Outre la plupart des LREM, il a obtenu des suffrages UDI-Agir, mais "sans gaieté de cœur". Vivement critiqué par la gauche, qui a unanimement voté contre, l'article s'est aussi heurté à l'opposition de certains élus de la majorité. Neuf LREM ont ainsi voté contre. Les MoDem se sont partagés en deux pour, un contre (Nadia Essayan), 11 abstentions. Les députés LR se sont majoritairement abstenus (24 abstentions et 3 votes contre), comme les FN.
Le ministre a défendu un article "totalement fondamental", dépeignant la rétention comme "un ultime moyen" mais qui "reste nécessaire". Il a notamment promis que les centres de rétention (CRA) seraient aménagés pour que les conditions "puissent être effectivement acceptables", notamment pour les familles.
Défendant "un point d'équilibre", la rapporteure Elise Fajgeles (LREM) a affirmé que la rétention "est un moyen pour faire respecter les mesures d'éloignement", soulignant notamment que le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire est de 15 %.
Un article qui "concentre la réprobation d'un grand nombre d'associations"
La gauche est montée au créneau contre cet article qui "concentre les critiques, l'opposition, la réprobation d'un grand nombre d'associations" pour Danièle Obono de LFI ; et qui "vient considérablement durcir les conditons de rétention" selon Elsa Faucillon du PCF. "Vous vous adressez à un électorat qui inscrit la peur de l'autre comme curseur", a dénoncé l'élue communiste, exprimant son "émotion" dans "ce moment grave".
Disant sa "tristesse", Marietta Karamanli (PS) a rappelé que la durée de rétention n'avait cessé d'augmenter (sept jours en 1981), ne voyant qu'une raison à cet "acharnement : faire sentir aux étrangers qu'ils sont à la merci de l'État".
Tous les groupes de gauche et les radicaux non inscrits ont défendu vainement des amendements pour interdire le placement de mineurs en rétention, rejoints par le MoDem Erwan Balanant. "Des enfants derrière les grillages des CRA, moi, j'ai du mal à le supporter", a-t-il lancé. Ces amendements, auxquels des LREM et MoDem ont joint leurs suffrages, ont été rejetés par quelque 100 voix contre 20. D'autres amendements de gauche, notamment pour revenir à 45 jours, ont subi le même sort.
Florent Boudié, chef de file LREM sur le texte, a souligné que ce ne serait "pas le solde de tout compte" sur la rétention des mineurs, un groupe de travail LREM devant plancher en vue d'une proposition de loi.
LR a notamment cherché à revenir à 135 jours, comme le prévoyait initialement le gouvernement, voire à étendre la durée à 180 jours. "Nous n'aurions pas ce débat si chaque étranger à qui l'on disait 'non' à sa demande de se maintenir sur notre territoire, respectait cette décision et repartait par conséquent chez lui", a affirmé pour sa part Marine Le Pen (FN).
"Un projet de loi horrible"
Le projet de loi suscite de vives critiques depuis des mois de la part des associations notamment. Sur France 24 samedi, Yann Manzi, cofondateur de l'association Utopia56 a dénoncé une loi remettant en cause le droit d'asile en France : "tous les recours administratifs qui sont déjà compliqués vont devenir un labyrinthe pour toutes ces personnes arrivées sur notre territoire, et qui vont être laissées à l'abandon", a-t-il déploré. "À chaque quinquennat, les lois se durcissent", a-t-il, par ailleurs, relevé en dénonçant "un projet de loi horrible [dans son ensemble avec] quelques petits amendements qui mettent un peu d'humanité" comme la réunification pour les frères et les sœurs.
Avec AFP