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L'hommage des Croates de Mostar au "héros" Praljak après son suicide à La Haye

Le suicide de Slobodan Praljak, mercredi, a entraîné des réactions opposées dans la ville de Mostar, en Bosnie, divisée entre quartiers croates et bosniaques.

En Bosnie-Herzégovine, la ville de Mostar, qui avait été défigurée par la guerre d'ex-Yougoslavie, semblait plus divisée que jamais, mercredi 29 novembre, après le suicide en pleine audience de Slobodan Praljak : côté croate, dans les quartiers ouest, des centaines de personnes lui ont rendu hommage, tandis que les rues des quartiers bosniaques, dans l'est de la ville, se sont vite vidées.

La nuit tombée, les Croates sont venus se recueillir en allumant des bougies sur une place, en hommage à celui qui reste encore pour eux le "général Praljak", et non, comme l’a confirmé la justice internationale, un criminel de guerre ayant mené une épuration ethnique des Bosniaques musulmans en 1993 et 1994.

Dès l'après-midi, les drapeaux croates à damier avaient été mis en berne dans les quartiers croates de cette ville du sud de la Bosnie, sous le regard de policiers appelés en renfort.

Le destin de Slobodan Praljak est intimement lié à celui de la ville de Mostar et à la destruction par les forces croates, en novembre 1993, du Stari Most, ce pont ottoman à arche unique qui enjambe la Neretva. "C'était juste un vieux pont", avait dit en 2004, année de son arrestation, cet homme né sur une autre ville bordant cette rivière, plus au sud, Capljina.

"Je me souviens d'une phrase qu'il avait prononcée au début du procès pour dire que le Stari Most ne valait pas un seul doigt d'un de ses hommes", déclare Zvonimir Sunjic, 56 ans, venu rendre hommage à un homme qu'il dit avoir "rencontré plusieurs fois ici à Mostar pendant la guerre".

"C'est un verdict politique, pas un verdict de justice"

Membre croate de la présidence tripartite bosnienne, Dragan Covic, est un enfant de Mostar. Il est venu allumer sa bougie sur la place, où avait été tendu un portrait de Praljak : "Ton sacrifice ne sera jamais oublié", pouvait-on lire. Sur la place, un prêtre a dit une prière en sa mémoire.

"Il est un héros et son geste entrera dans l'histoire. Son message est profond, il n'était tout simplement pas un criminel de guerre, il défendait son peuple et son foyer", estime Nada Peric, 62 ans.

"C'est un verdict politique, pas un verdict de justice", affirme de son côté Ilija Cvitanovic, président d'une formation croate bosnienne de centre droit, HDZ 1990, qui n'accepte pas que la justice internationale ait condamné une "entreprise criminelle commune", avec l'implication des plus hautes autorités croates de l'époque, notamment du président Franjo Tudjman. "Nous n'acceptons pas ce verdict, les relations interethniques se compliqueront", prévient-il.

L’ambiance était bien différente dans les quartiers est de la ville, où les rues ont été très vite désertées mercredi soir. "C'est triste, il n'aurait pas dû faire ça. Il aurait dû purger sa peine pour tout ce qu'il a fait", commentait dans la journée un ancien combattant bosniaque Almir Zalihic, 53 ans.

Avec AFP