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Coup de froid sur les relations cordiales entre la France et l'Iran

L'Iran n'acceptera pas que la France s'ingère dans son programme balistique, a prévenu samedi le haut responsable Ali Akbar Velayati. Ses déclarations trahissent un épisode de tensions entre Paris et Téhéran.

Il y a de l'orage dans les relations diplomatiques entre Téhéran et Paris. Samedi 18 novembre, pour la seconde fois en 24 heures, l'Iran a dénoncé la position de la France exigeant de la République islamique une révision de sa politique régionale et notamment de son programme balistique.

"Sur les questions de défense et du programme balistique, nous ne demandons la permission à personne. (...) En quoi cela regarde [le président français Emmanuel] Macron? Qui est-il pour s'ingérer dans ces affaires ?" a déclaré sèchement samedi Ali Akbar Velayati, le conseiller du guide suprême Ali Khamenei pour les affaires internationales à la télévision d'État.

Déjà vendredi, l'Iran avait critiqué une première fois la France après des déclarations du chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian accusant Téhéran de "tentations hégémoniques" au Moyen-Orient. Le ministre des Affaires étrangères avait fait sa déclaration depuis Riyad, peu après une visite d'Emmanuel Macron en Arabie saoudite, ennemi suprême de l'Iran dans la région.

"S'il veut que les relations entre l'Iran et la France se développent, il doit essayer de ne pas s'ingérer dans de telles affaires, car c'est contraire aux intérêts nationaux de la France", a averti Ali Akbar Velayati. Sur la question balistique et la politique régionale de l'Iran, "c'est évident que notre réponse est négative" aux demandes de négocier.

Le responsable iranien a encore affirmé que son pays ne demanderait "pas la permission aux autres" pour savoir s'il peut avoir des missiles ou pas, et "quelle doit être leur portée".

"La partialité de la France" mise en cause

"Je conseille au président français d'essayer de suivre l'approche du général De Gaulle et d'avoir une politique semi-indépendante" par rapport aux États-Unis, allié de Riyad, a déclaré Ali Akbar Velayati, qui a été ministre des Affaires étrangères pendant 16 ans, entre 1981 et 1997.

Un accord historique a été conclu en 2015 entre six grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, Royaume Uni, France et Allemagne) et l'Iran pour garantir le caractère pacifique de son programme nucléaire, mais le président américain Donald Trump menace d'en retirer son pays. S'appuyant sur la position dure des États-Unis, l'Arabie saoudite et Israël demandent aussi une révision de l'accord pour limiter encore davantage le programme nucléaire iranien. En plus d'une restriction du programme balistique de l'Iran, ils exigent une limitation de son influence grandissante dans la région, notamment en Irak, en Syrie - où Téhéran est allié du régime de Bachar al-Assad -, au Liban mais aussi au Yémen et à Bahreïn.

Face à ces menaces, Emmanuel Macron veut engager un dialogue avec l'Iran sur ces deux sujets. Mais à Téhéran, l'idée ne passe pas. Le porte-parole de la diplomatie iranienne met en cause la "partialité" de la France sur les sujets du Moyen-Orient en affirmant qu'elle aggrave les crises régionales.

Le dossier libanais en fond

Ce regain de tensions entre les deux pays intervient alors que la France vient de recevoir le Premier ministre démissionnaire du Liban Saad Hariri au terme d'un feuilleton de plusieurs semaines et d'intenses spéculations sur sa liberté de mouvement lors de son séjour à Ryad.

Il avait annoncé à la surprise générale sa démission le 4 novembre depuis l'Arabie saoudite, dénonçant notamment "la mainmise" du Hezbollah pro-iranien sur le Liban. Saad Hariri avait dit craindre pour sa vie. Dès le lendemain, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait à son tour accusé l'Arabie saoudite d'avoir contraint Saad Hariri à la démission.

Les avertissements de la France adressés à l'Iran ces derniers jours sont-elles liées à l'intervention de la diplomatie française dans la crise libanaise   ?

Un épisode de tensions avant la visite prévue de Macron

Au cours des derniers mois, l'Iran avait pourtant salué la position des pays européens et celle de la France, qui veulent maintenir l'accord nucléaire. La récente annonce de la visite du président Macron en 2018 en Iran - une première depuis plus de 40 ans - semblait présager un rapprochement entre les deux pays.

D'autant plus que Paris a été l'un principaux bénéficiaires de l'accord nucléaire avec plusieurs contrats importants conclus entre l'Iran et des sociétés françaises. Ainsi, les compagnies automobiles Peugeot et Renault ont signé de nouveaux contrats avec l'Iran, Téhéran a conclu un important contrat pour acheter une centaine d'Airbus et la société pétrolière française Total a signé en juin un accord de cinq milliards de dollars pour l'exploitation d'un gisement de gaz, en association avec le groupe chinois CNPC.

Avec AFP et Reuters