Début juillet, les autorités appréhendaient Arnaldo Rueda, un ponte de La Familia - cartel particulièrement influent au Mexique. Quelques jours plus tard, douze policiers étaient retrouvés morts: une vengeance de l'organisation.
Douze corps de policiers torturés, retrouvés sur le bord d’une route... Ces découvertes macabres ne sont pas rares au Mexique, mais les images diffusées sur les télévisions, sans pudeur et sans floutage, continuent d’entretenir le sentiment d’horreur.
Cette tuerie a été perpétrée le 13 juillet à Areaga, dans l’Etat du Michoacàn. Les auteurs de ce carnage : La Familia, l’un des six grands cartels de la drogue mexicains. Un acte qui a tout d’une vengeance. Quelques jours plus tôt, les autorités avaient arrêté l’un des leaders de La Familia, Arnoldo Rueda.
"Oeil pour œil, dent pour dent"
Mais deux jours après la tuerie, coup de théâtre : un homme qui prétend être Servando Gomez, dit "La Tuta", un autre leader de La Familia, appelle une chaîne de télévision régionale et s’exprime en direct - un événement rarissime au Mexique. Alors que le présentateur affiche un visage crispé, La Tuta commence par se poser en défenseur de la population du Michoacàn, et tend la main au gouvernement. "Avec tous nos égards pour le président de la République, nous le respectons et nous respectons l’armée mexicaine. Nous n’avons rien contre eux ; nous savons que c’est leur travail. Tout ce que nous demandons, c’est qu’ils prennent garde à leur comportement envers nous ; s’il vous plaît, traitez-nous décemment. Prenez-vous en à nous, mais pas à nos femmes et nos enfants !"
Le gouvernement mexicain refuse de négocier. Face à l’émoi provoqué par la tuerie, le pouvoir central a envoyé, sur place, des renforts de 7 000 hommes.
Dans le fief du cartel
L'équipe FRANCE 24 se rend à Morelia, capitale de l’Etat du Michoacàn, fief du cartel de La Familia.
Nous avons rendez-vous avec José Luis Dias, un journaliste, spécialiste des questions de sécurité. Tout comme nous, il n’a pu avoir aucune information sur les activités des renforts. Les autorités ne laissent rien filtrer. Les raisons en sont connues : tant de journalistes sont victimes de pression de la part des cartels dans le pays, qu’il est dangereux pour l’armée de laisser circuler la moindre information.
José n’échappe pas à la règle ; il accepte de nous accompagner en ville, à une condition : ne pas évoquer La Familia. La moindre parole prononcée contre le cartel pourrait lui attirer de graves ennuis.
A Morelia, les rues sont calmes. Il nous a fallu plusieurs heures pour enfin apercevoir un convoi d’une vingtaine de véhicules.
Nous cherchons des barrages filtrants ou des positions militaires. Un jeu de cache-cache permanent : les barrages ne restent en place que 30 minutes pour ne pas laisser le temps aux cartels d’organiser une attaque.
Mais le danger est partout pour les renforts. A commencer par les hôtels où la police fédérale a pris ses quartiers la veille. "C’est un peu compliqué pour les autorités fédérales de trouver de quoi loger tous ces renforts aux quatre coins de l’Etat, explique José. Parce que le crime organisé a déjà frappé dans des hôtels où se trouvaient des agents fédéraux."
Sur un véhicule militaire qui patrouille à Uruapan, non loin de Morelia, une pancarte invite la population à dénoncer anonymement les agissements des cartels.
Car il n’est pas facile de faire parler une population qui vit dans la peur. Ici, la présence de l’armée inspire la confiance. "Il y aura moins de morts maintenant, nous confie un jeune homme. Ma famille est contente parce qu’on a tellement peur quand on marche dans la rue, avec toutes ces fusillades".
Rassurer, c’est tout ce que peut faire l’armée. Les rues seront sans doute plus calmes pendant quelques jours. Mais les renforts, bien sûr, ne pourront pas rester indéfiniment.