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Primaire de la droite : la victoire de Trump ravive la bataille

À quelques jours du premier tour de la primaire à droite en France, l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche a relancé la bataille entre les candidats, provoquant un regain de tensions entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé.

L’ouragan Trump a été ressenti jusque sur les rives françaises. La victoire du milliardaire américain à la Maison Blanche s’est immiscée dès mercredi 9 novembre dans le débat de la primaire de la droite française. Comparaison, distanciation, mise en garde… chacun des sept candidats a pu tirer les conclusions qui s’imposaient – ou qui l’arrangeaient. Et conséquence plus inattendue : la victoire de Donald Trump a plus que jamais relancé la bataille entre les candidats.

"Raciste", "dangereux", "effrayant"

Officiellement, aucun des candidats de la primaire ne s’est réjoui de la victoire du candidat républicain. Exception faite de Jean-Frédéric Poisson, trumpiste assumé, qui a félicité le nouveau président des États-Unis, saluant, après le Brexit, une "nouvelle victoire des électeurs contre le système". Il faut dire qu’avant son triomphe à la tête des États-Unis, les candidats français ne cachaient pas quelques réserves à l'endroit du milliardaire américain. Ni même leur "terreur". "Ce monsieur ne mérite pas tant d'intérêt que cela, déclarait Nicolas Sarkozy lors d'un meeting à Londres le 24 mars. Ce qui est assez effrayant c'est l'impact qu'il a. Je trouve terrifiant qu'il y ait 30 % d'Américains qui peuvent se reconnaître là-dedans".

François Fillon ne montrait pas davantage d’enthousiasme. "Voir ce Monsieur Trump, dont les valeurs sont aux antipodes des miennes, accéder à la présidence des États-Unis, n’est absolument pas un motif de fascination", révélait l’élu sarthois dans Paris Match le 9 mars dernier. Alain Juppé, de son côté, espérait tout simplement qu’il "n’aille pas jusqu’au bout". Un homme "raciste" pour Jean-François Copé, "dangereux" selon Bruno Le Maire... bref, le magnat de l’immobilier peinait à recueillir les louanges, même les plus modestes, de nos républicains français.

L’effet Trump

Depuis mercredi, la victoire aidant, les discours se sont policés. Et chaque candidat a même pu tirer de ce succès inattendu une justification à sa propre candidature. De cette élection, les sept candidats ont tout d’abord voulu retenir les erreurs des instituts de sondage qui redonnent aux principaux concurrents d'Alain Juppé l’espoir de voir leur candidature sous-estimée par les enquêtes d'intentions de vote.

À commencer par Nicolas Sarkozy, inexorable numéro deux de la primaire, qui ne cesse de répéter en petit comité qu’il est, à l’instar de Trump, le "vote caché" de la majorité silencieuse. Celui dont on n’ose assumer les idées en public mais dont on dont glisse bien volontiers le bulletin à son nom dans l’enveloppe, caché dans l’isoloir, à l’abri des regards.

Si François Fillon a rappelé lors de son déplacement à Lille que "la comparaison entre la vie politique française et la vie politique américaine n'[était] absolument pas raisonnable", il a bien vite succombé lui aussi à l’idée d’avoir été, comme Trump, victime d’une mauvaise appréciation des sondeurs. "Les sondages seront également démentis par les faits, le 20 novembre", tente de se convaincre le troisième homme de la primaire lors d’un déplacement à Lille. Même Jean-Frédéric Poisson, bon dernier dans les sondages, s’est récemment senti pousser des ailes : "Trump est parti de très loin et cela m'ouvre évidemment des perspectives nouvelles".

Sarkozy veut faire main basse sur le "choc" Trump

Mais au-delà des débats autour de la fiabilité des sondages, il semble surtout que la victoire de Donald Trump ait donné l'avantage aux candidats les plus à droite de l'échiquier politique. Ce constat n'a pas échappé à Nicolas Sarkozy. Depuis mercredi, le candidat républicain, jusque-là fidèle soutien à Hillary Clinton, n'a pas cessé de mettre en évidence les points communs qu’il partage avec le président fraîchement élu. "Vous avez vu Trump ? Un candidat qui parle directement au peuple, qui refuse la pensée unique, qu'on annonçait battu... et le voilà qui gagne. Ça dit forcément quelque chose, hein ?", a lancé Nicolas Sarkozy, en arrivant mercredi à son QG de campagne parisien, comme ragaillardi par la nuit d’élection américaine.

Le pourfendeur de la bien-pensance va plus loin dans sa récente identification à Donald Trump. Les deux hommes labourent les mêmes terres identitaires, prônent le retour des frontières, la régulation de l'immigration, la lutte active contre le terrorisme. Ils partagent aussi le goût pour la provocation, les discours clivants. "Un fort rejet va toujours avec une forte adhésion, et c'est l'adhésion qui compte, explique-t-il aux médias. Regardez Simone Veil, pour laquelle j'ai la plus grande admiration : elle a fait 8 % aux européennes, pourquoi ? Parce qu'elle suscitait une immense sympathie, donc pas de rejet, mais pas non plus d'adhésion." Toute allusion à Alain Juppé, candidat du rassemblement, serait purement fortuite...

Mais la comparaison entre Trump et Sarkozy s'arrête là car ce dernier reste fidèle à une certaine orthodoxie libérale en matière économique, notamment sur le libre-échange, la dérégulation des marchés ou la réduction des services publics.

"Le résultat américain peut bouleverser la donne de cette primaire"

Reste à voir si la victoire de Trump ne va pas libérer un peu plus la parole de l’ancien maire de Neuilly. "Sarkozy va y aller à fond dans la transgression, en prenant pour bêtes noires l’intelligentsia et les sondages qui se trompent, explique Yves Thréard dans son édito paru sur le site d’Europe 1. Il est persuadé que l’élection de Trump va encore un peu plus libérer l’expression du malaise du peuple. Il est sûr de pouvoir gagner et l’avenir pourrait lui donner raison. Le résultat américain peut bouleverser la donne de cette primaire".

Un bien mauvais scénario pour Alain Juppé qui se pose comme le rempart au populisme. "Je ne veux pas que la France s'engage dans la voie de l'extrémisme et de la démagogie, a déclaré le maire de Bordeaux. Je ne veux pas que l'avenir ce soit le Front national et tous ceux qui sont à la remorque de ses idées." Suivez son regard.

Craignant que les vents populistes qui soufflent actuellement sur l’Amérique ne viennent balayer les côtes françaises, Alain Juppé garde le cap et contre-attaque. "Plus que jamais, j’appelle au rassemblement et à la mobilisation de tous ceux qui se font 'une certaine idée' de la République et de la France", a tonné le candidat soucieux de s'extraire du dangereux rôle de favori. Les prochains échanges entre les candidats pourraient devenir de plus en plus houleux, notamment à l’occasion du débat qui se tiendra jeudi 17 novembre sur France 2. Avis de vents violents à venir dans les jours prochains.