Le ministre de l'Intérieur a annoncé, dimanche, porter plainte pour diffamation, après la parution dans le JDD d'une interview de la responsable de la vidéosurveillance de Nice mettant en cause ses services après l'attentat du 14 juillet.
Bernard Cazeneuve a annoncé, dimanche 24 juillet, porter plainte pour diffamation contre la responsable du centre de vidéosurveillance de la police municipale de Nice, qui affirme avoir subi des pressions du ministère de l'Intérieur lors de la rédaction d'un rapport sur la soirée meurtrière du 14 juillet.
Dans une interview au Journal du Dimanche, Sandra Bertin, chef du Centre de supervision urbain (CSU) de la ville de Nice, qui était en poste le soir de l'attaque, indique qu'un représentant de la place Beauvau lui a donné pour instruction de mentionner la présence de policiers nationaux sur les lieux de l'attaque.
"J'ai été harcelée pendant une heure"
[EXCLUSIF] Attentat de Nice: la policière responsable de la vidéosurveillance sous pression https://t.co/AlDzvFWiUA pic.twitter.com/BD9Qc3pWAm
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"J'ai [...] eu affaire à une personne pressée qui m'a demandé un compte-rendu signalant les points de présence de la police municipale, les barrières, et de bien préciser que l'on voyait aussi la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité, indique Sandra Bertin au journal hebdomadaire. Or la police nationale était peut-être là, mais elle ne m'est pas apparue sur les vidéos. Cette personne m'a alors demandé d'envoyer par email une version modifiable du rapport", ajoute-t-elle.
"J'ai été harcelée pendant une heure, on m'a ordonné de taper des positions spécifiques de la police nationale que je n'ai pas vues à l'écran", précise encore Sandra Bertin, également secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT) de Nice. La policière dit avoir finalement envoyé deux versions du rapport, l'une modifiable et l'autre non.
[Communiqué] Plainte pour diffamation suite aux accusations graves portées à l'encontre du ministère de l'Intérieur. pic.twitter.com/GYAifeiVJP
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Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur parle d'"accusations indignes" qui s'inscrivent, selon lui, "dans la suite des polémiques virulentes que certains élus de Nice ont souhaité entretenir, puis alimenter chaque jour depuis le terrible attentat du 14 juillet".
Ces polémiques portent sur les moyens mis en œuvre par l'État pour assurer la sécurité du public, lors du feu d'artifice du 14 juillet, le Front national et certains élus de droite jugeant que l'attaque au camion, qui a fait 84 morts sur la promenade des Anglais, aurait pu être évitée.
Dans son communiqué, Bernard Cazeneuve conteste formellement ces accusations et fait état d'une déclaration du procureur de Paris, François Molins, qui assure que c'est sous sa seule autorité que deux policiers ont été dépêchés au CSU de Nice dans le cadre de l'enquête sur l'attentat.
Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a souligné, de son côté, que l'enquête relevait "exclusivement de l'autorité judiciaire" et que "c'est sous la seule autorité du parquet de Paris que les services d'enquête [...] ont exercé dans les premiers jours suivant l'attentat leur compétence de police judiciaire."
La démission de Cazeneuve demandée par le FN
Pour le ministre de l'Intérieur, "il serait très utile que Mme Sandra Bertin soit auditionnée par les enquêteurs et puisse leur produire les identités et les fonctions des personnes qu'elle met en cause, les mails qu'elle évoque et leur contenu".
Sandra Bertin a maintenu dimanche soir ses accusations. Lors d'une conférence de presse tenue à ses côtés, son avocat Adrien Verrier a par ailleurs annoncé qu'elle allait faire dès lundi un signalement au procureur de la République pour "faux en écriture publique". La jeune femme a également confirmé que "plusieurs témoins" avaient bien assisté à sa conversation téléphonique avec la personne qui s'était présentée comme un membre du cabinet de Bernard Cazeneuve et que celles-ci l'avaient "soutenue".
François Hollande avait promis, vendredi, une transparence totale dans l'analyse du dispositif de sécurité déployé ce soir-là.
Bernard Cazeneuve avait annoncé la veille l'ouverture d'une enquête interne, confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), dont les conclusions doivent être dévoilées la semaine prochaine.
Dans un communiqué, le Front national, qui demande la démission de Bernard Cazeneuve, a estimé que les déclarations de la responsable du CSU de Nice constituaient un "témoignage accablant... [qui] confirme les craintes des Français sur une tentative de dissimulation de la vérité par le pouvoir".
"Ce témoignage pose des questions très très graves, une prise de position très troublante", a réagi de son côté le député Les Républicains Éric Ciotti, également président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes. "C'est un élément de plus qui démontre que quelque chose n'est pas transparent", a-t-il ajouté sur France Info.
Avec AFP