
Manuel Valls a annoncé mardi après-midi à l'Assemblée nationale qu'il utilisait l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte de la Loi travail sans vote. Les députés ont 24 heures pour déposer une motion de censure.
Le Premier ministre Manuel Valls a engagé, mardi 10 mai, à la tribune de l'Assemblée nationale, la responsabilité de son gouvernement via l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution afin de faire adopter sans vote le projet de Loi travail.
"Aujourd'hui, j'exprime et nous exprimons clairement une fronde contre la division", a lancé le chef du gouvernement, en visant les députés socialistes frondeurs opposés au texte. "Poursuivre le débat parlementaire fait courir le risque de revenir sur l'ambition du projet de loi, de renoncer à sa cohérence, d'abandonner le compromis que nous avons construit et d'offrir le spectacle désolant de la division et des postures politiciennes due à une minorité de blocage", a-t-il plaidé.
L'exécutif a décidé de recourir à cette arme constitutionnelle "parce que la réforme doit aboutir, parce que le pays doit avancer, parce que les relations salariales et les droits des salariés doivent progresser", a argué le chef du gouvernement.
Dénonçant "la conjonction des oppositions" qui "peuvent bloquer le texte" et le "spectacle" donné par les débats houleux lundi soir à l'Assemblée, le Premier ministre a une nouvelle fois défendu "un texte élaboré collectivement qui est un bon texte pour le pays, et surtout un acte de confiance dans le dialogue".
"Il est un pari dans la capacité des partenaires sociaux à le faire vivre et il est une affirmation tout simplement de notre vision de la démocratie sociale", s'est défendu Manuel Valls, confronté à une série de manifestations menées par la CGT et FO, opposées au texte.
Le Premier ministre a de nouveau affirmé "assumer" son désaccord avec ces deux centrales syndicales sur le rôle renforcé des accords d'entreprise que doit permettre la loi, qui suscite des inquiétudes à gauche et dans le camp syndical sur des reculs des droits des salariés.
"La question est de savoir si une motion de gauche sera déposée"
"Les députés qui souhaitent déposer une motion de censure ont vingt-quatre heures pour le faire, soit jusqu'à mercredi 16 h 35", explique Karina Chabour, l'envoyée spéciale de France 24 à l'Assemblée nationale. "La question est de savoir si une motion de gauche sera déposée. C’est en tout cas la menace qu’a laissé planer André Chassaigne, le leader des députés Front de gauche. Reste à savoir s'il obtiendra les 58 signatures nécessaires."
De leur côté, les députés LR et UDI ont déjà déposé leur propre motion de censure du gouvernement, qui sera débattue jeudi dans l'Hémicycle. "Qu'il soit contraint d'engager sa responsabilité sur un projet de loi qui ne comporte plus aucune ambition de réforme témoigne de l'impasse dans laquelle François Hollande a mené notre pays", est-il écrit dans le texte de la motion, transmis à l'AFP.
Les réactions chez les "frondeurs" du Parti socialiste sont tout aussi critiques. "L'heure est à la consternation devant le fait que la Loi travail, qui devait occuper le Parlement pendant plusieurs jours pour définir les règles du contrat de travail, des licenciements, des rémunérations des Français, cette loi travail va être adoptée – si la motion de censure n'est pas votée – sans qu'il y ait un débat au Parlement", a regretté Christian Paul, chef de file des députés PS "frondeurs".
"L'enjeu d'une motion de censure, ce n'est pas simplement d'exprimer la défiance à l'égard du gouvernement, c'est d'abord faire en sorte que la Loi travail ne soit pas adoptée", a-t-il ajouté.
Les sept syndicats contestataires ont, eux, appelé à des grèves et des manifestations les 17 et 19 mai.
Le gouvernement renonce aux CDD surtaxés
De son côté, le Front national a appelé les députés, "en particulier" ceux du PS, à "prendre leurs responsabilités et à assumer le rejet" du projet de Loi travail "en faisant tomber le gouvernement" grâce au vote d'une future motion de censure.
Il y a toutefois "peu de chance que ces motions aboutissent", estime Karina Chabour. "Ce serait du jamais vu : on imagine mal la majorité chercher à faire tomber le gouvernement et mettre leur mandat dans la balance."
Le gouvernement profite par ailleurs du 49-3 pour apporter quelques modifications au texte. Il renonce ainsi à rétrécir le périmètre géographique d'appréciation des licenciements économiques et à surtaxer les CDD, mais ne retiendra pas l'ultime "compromis" obtenu lundi par le rapporteur du texte sur les accords d'entreprises, a indiqué mardi l'entourage de Manuel Valls.
L'article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire et un seul autre type de texte durant la session parlementaire. Mais une fois que le Conseil des ministres a autorisé le Premier ministre à y recourir, celui-ci peut le dégainer à chacune des lectures successives du même projet de loi devant l'Assemblée. En revanche, il ne peut être utilisé devant le Sénat, puisque celui-ci n'a pas le pouvoir de renverser le gouvernement.
Avec AFP