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Cannes 2016 : des cannibales, Hissène Habré et le retour des meilleurs "habitués"

Almodovar, Loach, les Dardenne, Assayas… Vingt films se disputeront la Palme d'or du 11 au 22 mai lors d'un Festival de Cannes 2016 marqué par un retour en force des "habitués", mais des bons "habitués". Alléchant.

Après une compétition 2015 qui avait fait la part belle aux nouveaux venus (Laszlo Nemes, Valérie Donzelli, Stéphane Brizé, Justin Kurzel, Yorgos Lanthimos, etc.), les organisateurs du 69e Festival de Cannes ont sonné le rappel du côté des "habitués". Si Pierre Lescure, président de l’événement, et Thierry Frémaux, le délégué général en charge de la programmation, rejettent tout procès en favoritisme, force est de constater que la compétition qu’ils ont dévoilée ce jeudi 14 avril accorde peu de place aux primo-entrants. Sur les vingt films qui se disputeront la Palme d’or du 11 au 22 mai, 15 sont le fruit de cinéastes ayant déjà concouru pour la prestigieuse récompense.

On ne saurait toutefois bouder notre plaisir de retrouver ces illustres noms du septième art qui ont fait les belles heures du plus grand festival cinématographique au monde. Déjà lauréats du Saint-Graal, les Belges Luc et Jean-Pierre Dardenne (toujours très bons), le Britannique Ken Loach (beaucoup moins constant) ainsi que le Roumain Crisitan Mungiu prendront part, cette année encore, à la ruée vers l’or.

Les premiers tenteront de devenir les premiers triple-palmés de l’Histoire avec "La fille inconnue", dont l’actrice principale est loin de l’être (inconnue) puisqu’il s’agit d’Adèle Haenel, la chouchou du cinéma d’auteur hexagonal. Le second – que l’on pensait parti en retraite – viendra quant à lui défendre "I, Daniel Blake", un film très "loachien", selon les termes de Thierry Frémaux. Comprendre : un drame social au cœur d’une chatoyante cité ouvrière du nord de l’Angleterre. Le troisième présentera un drame sur les relations parents-enfants nommé "Bacalaureat".

Du cinéma d’héroïne

Disparu des radars cannois depuis 2011, Pedro Almodovar – dont l’implication dans le scandale des "Panama Papers" avait fait douter de sa participation – reviendra sur la Côte d’Azur avec ses premières amours mélodramatiques. À savoir le portrait d’une héroïne-mère-femme nommée "Julieta".

Un cinéma d’héroïne qu’on retrouvera chez Paul Verhoeven. Le cinéaste néerlandais, qui n’avait pas été vu à Cannes depuis 1992 et son polar érotique "Basic Instinct", sera de retour avec un film de production française, "Elle", adaptation d’un roman de Philippe Djian dans lequel Isabelle Huppert donne la réplique à Charles Berling, Virginie Efira, Laurent Laffite, Anne Consigny, Vimala Pons…

Quatre Français en lice

Du côté de la France justement, quatre cinéastes essaieront d’offrir à l’Hexagone sa deuxième Palme consécutive (après celle de Jacques Audiard et son "Dheepan"). Avec son "pitch" alléchant (une histoire de fantôme dans le milieu de la mode) et sa star hollywoodienne (Kristen Stewart), "Personal Shopper" pourrait permettre à Olivier Assayas de décrocher sa première consécration.

Alors qu’on le pensait fâcher avec Thierry Frémaux, Bruno Dumont fera, ô joie, son retour en compétition avec "Ma Loute", une comédie noire burlesque en costumes réunissant Juliette Binoche, Fabrice Luchini et Valeria Bruni-Tedeschi. Nicole Garcia, elle, sera présente avec "Mal des pierres", un drame amoureux dans lequel on retrouvera la désormais incontournable Marion Cotillard – dont ce sera la cinquième participation consécutive en compétition – et le non moins indispensable Louis Garrel. Fort du succès critique remporté par son "Inconnu du lac", Alain Guiraudie fera son baptême du feu avec "Rester vertical", un film qui entend, dixit son auteur, "rendre l’invraisemblable crédible, l’impossible envisageable". Vaste programme.

Annoncé en compétition, "Nocturama", le long-métrage de Bertrand Bonello consacré à un groupe de terroristes semant la mort en plein Paris ne figure malheureusement pas dans la sélection. Est-ce la nature sensible de son sujet qui a valu de ne pas être retenu, comme l’ont suggéré certains médias ? Interrogé sur ce point, Thierry Frémaux a laissé entendre que le film n’avait pas été soumis à son comité.

Un jeune cinéma nord-américain

La sélection officielle en quelques chiffres

Le comité de sélection dirigé par Thierry Frémaux a visionné 1 879 films. Seuls 48 d’entre eux ont finalement été sélectionnés : 20 films en compétition, 17 pour la section Un certain regard et 11 hors compétition. Parmi figurent 7 premiers films.
Au total, 28 pays seront représentés dans la sélection officielle.
 

Côté nord-américain, Sean Penn exécutera la traditionnelle montée des marches en tant que réalisateur de "The Last Face", une romance sur fond de mission humanitaire en Afrique, avec son ex-compagne Charlize Theron, l’Espagnol Javier Bardem et un duo français formé par Adèle Exarchopoulos et Jean Reno.

En termes de distribution de prestige, "Juste la fin du monde" de Xavier Dolan n’a pas à rougir. Le prodige canadien, qui était juré l'année dernière, s’est adjoint les services d’une kyrielle de stars françaises pour son sixième film : Vincent Cassel, Léa Seydoux, Nathalie Baye, Gaspard Ulliel et Marion Cotillard, toujours elle.

Nouvelle coqueluche du cinéma américain, Adam Driver – que le grand public a découvert cette année sous la cape du méchant de la nouvelle saga Star Wars – pourrait se rendre sur la Croisette grâce à "Paterson", le film de Jim Jarmusch dans lequel il partage l’affiche avec Golshifteh Farahani et Kara Hayward. Autre coqueluche US, mais derrière la caméra cette fois-ci, Jeff Nichols sera également sur les rangs avec "Loving", l’histoire vraie d’un couple interracial dans les États-Unis des années 1950.

Enfants terribles

Le cinéma européen n’est pas en reste. Outre Ken Loach, le cinéma britannique pourra compter, pour défendre ses couleurs, sur "American Honey" d’Andrea Arnold avec un jeune casting emmené par l’imprévisible Shia LaBeouf.

Autre enfant terrible, le Danois Nicolas Winding Refn signerason retour sur la Croisette, après "Drive" et "Only God Forgives",  avec "The Neon Demon", une histoire de cannibales et des top-models (chouette). La Roumanie, dont la vitalité du cinéma semble inépuisable, sera fort bien représentée avec le susnommé Cristian Mungiu et son compatriote Cristi Puiu, auteur de "Sieranevada".

Pour l’Asie, le Sud-Coréen Park Chan-wook, dont le "Old Boy" avait fait sensation lors de l’édition 2003, montrera "The Handmaid". Sélectionné l’an passé dans la section Un certain regard, le Philippin Brillante Mendoza est promu en compétition avec "Ma' Rosa".

Les organisateurs ont également réservé deux surprises du chef qui avaient échappé aux pronostiqueurs les plus avisés : la présence en compétition du Brésilien Filho Kleber Mendonça ("Aquarius") et de la réalisatrice allemande ultraconfidentielle Maren Ade ("Toni Erdmann").

Louis XIV, Hissène Habré et "Panama Papers"

Hors compétition, les organisateurs ont fait la part belle aux films américains. On le savait depuis un bon mois, c’est Woody Allen qui assurera l’ouverture avec "Café Society". Ancien président du jury, Steven Spielberg fera un détour à Cannes pour lancer "Le Bon Gros Géant", adaptation d’un roman pour enfants de Roald Dahl. Les duos George Clooney-Julia Roberts et Ryan Gosling-Russell Crowe assureront le service "tapis rouge" avec, respectivement, "Money Monster" de Jodie Foster et "The Nice Guys" de Shane Black.

À noter, un documentaire particulièrement attendu : celui du cinéaste Mahamat-Saleh Haroun, "Hissène Habré, une tragédie tchadienne" qui revient sur les années de pouvoir du dictateur actuellement jugé à Dakar. Au rang des curiosités, signalons "La Mort de Louis XIV" de l’Espagnol Albert Serra, qui a confié à l’inénarrable Jean-Pierre Léaud le soin d’incarner le Roi Soleil.

Pas moins de 28 pays sont représentés dans la sélection officielle, qui comprend la compétition, les séances spéciales et la section Un certain regard (voir la sélection ici). "Nous veillons à l’universalité du monde du cinéma, le Festival de Cannes est un festival international qui entend montrer la vitalité de la création au niveau mondial", a indiqué Thierry Frémaux avant de dévoiler sa programmation.

Comme il est d’usage, d’autres films pourront s’ajouter à la sélection. Le délégué général a précisé qu’un film venu du Panama et "en prise avec l’actualité" pourrait intégrer le programme. Le scandale des "Panama Papers" va-t-il s’inviter sur la Côte d’Azur ?

Le 69e Festival de Cannes se déroulera du 11 au 22 mai, jour où sera annoncé le palmarès du jury présidé cette année par le réalisateur australien George Miller, le créateur de la saga "Mad Max".

• Films en compétition :

- "Toni Erdmann" de Maren Ade
- "Julieta" de Pedro Almodovar
- "American Honey" d'Andrea Arnold
- "La fille inconnue" de Jean-Pierre et Luc Dardenne
- "Personal Shopper" d'Olivier Assayas
- "Juste la fin du monde" de Xavier Dolan
- "Paterson" de Jim Jarmusch
- "Rester vertical" d'Alain Guiraudie
- "Aquarius" de Filho Kleber Mendonça
- "Mal de pierres" de Nicole Garcia
- "I, Daniel Blake" de Ken Loach
- "Ma' Rosa" de Brillante Mendoza
- Bacalaureat" de Cristian Mungiu
- "Loving" de Jeff Nichols
- "The Handmaid" de Park Chan-wook
- "The Last Face" de Sean Penn
- "Sieranevada" de Cristi Puiu
- "Elle" de Paul Verhoeven
- "The Neon Demon" de Nicolas Winding Refn
- "Ma Loute" de Bruno Dumont

• Hors compétition :

- "Café Society", de Woody Allen (film d'ouverture)
- "Le Bon Gros Géant", de Steven Spielberg
- "The Nice Guys", de Shane Black
- "Goksung", de Na Hong-Jin
- "Money Monster", de Jodie Foster

• Séances de minuit :

- "Gimme Danger" (sur Iggy Pop), par Jim Jarmusch
- "Bu-San-Haeng", de Yeon Sang-ho

• Séances spéciales :

- "Le Cancre", de Paul Vecchiali
- "La Mort de Louis XIV", d'Albert Serra
- "Hissène Habré, une tragédie tchadienne", de Mahamat-Saleh Haroun
- "L'Ultima Spiaggia", de Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan