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La Sorbonne offre l’asile aux étudiants réfugiés avec le soutien financier du Qatar

À défaut d’ouvrir grand ses portes aux Syriens fuyant les affres de la guerre, le Qatar va financer l'accueil d'une centaine d’étudiants réfugiés à l’Université Paris 1 – Panthéon- Sorbonne.

Le président de l’université l’Université Paris 1 – Panthéon- Sorbonne Philippe Boutry a annoncé, dans un communiqué publié cette semaine, la signature d’un protocole d’accord avec le procureur général du Qatar en vue d’accueillir dans son établissement une centaine d’étudiants réfugiés. Dans le cadre de ce partenariat, le richissime émirat gazier s’engage à verser la somme de 600 000 euros par an pendant trois ans.

Une contribution qui servira à financer les frais d’hébergement et les dépenses de vie courante des étudiants, précise Philippe Boutry. Ce dernier affirme que c’est bien l’université, "fidèle à ses valeurs de solidarité et d’humanisme", qui a pris la décision d’accueillir les réfugiés étudiants, et que, "informé de cette initiative et désireux de contribuer à cette action humanitaire, l’Émir de l’État du Qatar a proposé (…) de la soutenir".

Selon les modalités du dispositif qui entrera en vigueur à partir du 28 septembre, les étudiants, vraisemblablement syriens, seront préalablement présélectionnés par le rectorat de Paris, et non pas par le Qatar. Ils se verront proposer un parcours de formation selon leur connaissance de la langue française et leur niveau d’études.

Des réactions mitigées

Ce n’est pas la première qu’un établissement français décide de faire un geste en se mobilisant en faveur des réfugiés. Dans un communiqué publié le 8 septembre, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) a indiqué que certaines universités et les Crous "proposeront [aux étudiants réfugiés] un accompagnement individualisé spécifique par leurs services sociaux, afin de faciliter leur intégration dans la société française". Ajoutant qu’un "traitement prioritaire d’urgence" sera accordé à leurs demandes d’aides financières et de logements.

Toujours est-il que c’est l’implication de Doha dans cette affaire, comme souvent, qui commence à faire grincer des dents. Si les syndicats étudiants n’ont pas encore officiellement communiqué sur le sujet, Adrien, un membre de l’Unef interrogé par RMC, a fait part de la réticence de son mouvement aux financements qui viennent d'entreprises, de fondations ou de gouvernements étrangers "car cela pose la question de l'indépendance des formations".

Sur la page Facebook de l’Université Paris 1 – Panthéon- Sorbonne, les réactions sont mitigées. Si plusieurs étudiants se disent "fiers de leur université" et de la "solidarité" affichée à l’égard des réfugiés, d’autres se montrent en revanche très critiques.

"La Sorbonne se fait qatariser, c'est tout de même drôle d'accepter l'argent à finalité humaniste d'un pays qui viole les droits de l'homme", commente avec ironie Salim.

"Situation cocasse : après le cursus universitaire des réfugiés syriens auquel le Qatar participera au financement, les réfugiés syriens devront-ils être reconnaissants envers un État qui n'a même pas voulu d'eux sur son propre territoire ?", s’interroge de son côté Justina.

Des réfugiés indésirables dans les pays du Golfe

En effet, le Qatar et les autres monarchies prospères du Golfe sont pointés du doigt depuis le début de la crise des réfugiés et l’afflux sans précédent de migrants vers l’Union Européenne. Un article d’Amnesty international, publié en septembre, révélait que ces pays prospères, qui soutiennent la rébellion syrienne contre le régime de Bachar al-Assad, n’avaient proposé d’accueillir aucun réfugié syrien. "Le Qatar, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, le Koweït et Bahreïn, ont offert zéro place d'accueil pour les réfugiés syriens", indique l'ONG.

Effrayés à l’idée d’être submergés par des populations politisées, de peur qu’elles ne propagent des idées révolutionnaires au sein de leurs sociétés, les pays du Golfe, non signataires de la Convention de l'ONU sur les réfugiés, se contentent en effet de financer des aides humanitaires à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars.

Une position qui a suscité de nombreuses interrogations sur la prétendue solidarité arabe et islamique sur les réseaux sociaux et à l'intérieur même des pays du Golfe, dont certains comme le Qatar et l'Arabie saoudite sont souvent accusés de soutenir des groupes radicaux en Syrie, et d’être donc en partie responsable du chaos sur le terrain.

En attendant, pas même l’antenne de la Sorbonne à Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis, n’a mis en place un programme destiné spécifiquement à l’accueil de réfugiés au sein de son établissement.