
Fin 2014, l’armée française s’est complètement retirée d’Afghanistan. Mais elle laisse derrière elle ses anciens interprètes afghans qui vivent dans la peur, accusés par les Taliban d’avoir collaboré avec l’ennemi. Parfois menacés de mort, ils cherchent désespérément à gagner la France. Nos reporters sont allés à leur rencontre.
En Afghanistan, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader, y compris à Kaboul. Les anciens interprètes afghans de l’armée française se sentent particulièrement vulnérables. S’il est difficile d’apprécier le degré de menace qui pèse sur chacun d’entre eux, leur peur, elle, est bien réelle.
Car quiconque a travaillé avec des étrangers est marqué du sceau de la collaboration par les Taliban. Nous avons rencontré plusieurs anciens interprètes de l’armée française à Kaboul. La plupart d’entre eux ont préféré témoigner à visage caché. Il n’était évidemment pas non plus question de montrer leur maison. Mais une fois ces précautions prises, ces anciens traducteurs avaient à cœur de raconter leur histoire.
Beaucoup d’entre eux ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas obtenu de visa pour la France en 2012, lors de leur première demande. Seuls 73 anciens traducteurs et leurs familles avaient alors obtenu ce précieux sésame, alors que 258 dossiers avaient été déposés.
Preuves
Au printemps dernier, le Quai d’Orsay a accepté de réexaminer les dossiers refusés la première fois. La dernière chance d'être accueillis en France, sans doute, pour ces interprètes qui espèrent quitter l’Afghanistan.
Cette fois-ci, ils ont donc rassemblé le plus de documents possibles : photos, contrats de travail, fiches d’appréciation de leur travail… Autant de preuves de leur service auprès des troupes françaises, afin de convaincre l’administration.
De leur côté, les autorités françaises prennent en compte trois critères pour valider leur accueil : la qualité des services rendus, la capacité à s’insérer en France et surtout l’exposition à une menace réelle de l’interprète et de sa famille.
Contrairement à ce qu’il s’est passé en 2012, les interprètes dont les demandes de visa sont réexaminées cet été ne sont pas seuls. Un collectif d’avocats s’est monté en France pour les soutenir et leur apporter une aide, afin de constituer des dossiers les plus solides possibles. En cas de refus, ceux-ci se préparent même à contester les décisions de l’administration en justice.
Mais certains Afghans estiment qu’ils ne peuvent plus attendre, que leur vie devient trop dangereuse dans leur pays. C’est le cas de Naqibullah, arrivé clandestinement en France. Ce médecin de formation vit maintenant comme un sans-abri à Lyon... Il ne sait toujours pas si son cas va pouvoir être examiné dans le même cadre que celui de ses collègues restés en Afghanistan.