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Récit de la croisade journalistique qu'entreprit, au début des années 2000, l'intrépide Denis Robert contre le groupe financier Clearstream, "L'Enquête" peine à surnager dans les eaux troubles de ce scandale politico-judiciaire.

Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent en salles. Cette semaine, l’emberlificoté thriller politico-financier "L’Enquête" de Vincent Garenq ; et le bouleversant documentaire "Spartacus et Cassandra" de Ioanis Nuguet.

Ceux qui, à l’époque, n’avaient rien compris à l’affaire Clearstream ne risquent pas d’y voir plus clair avec "L’Enquête". Le film, consacré au scandale qui secoua, au début des années 2000, le monde de la finance puis celui de la politique française, s’avère à bien des égards aussi opaque que le système bancaire d’un paradis fiscal.

À la décharge de son réalisateur, Vincent Garenq (dont le précédent film "Présumé coupable" revenait sur la non moins retentissante "affaire Outreau"), la machination est d’une vertigineuse complexité. Retour sur les faits. En 2001, le journaliste Denis Robert publie un livre-enquête démontrant comment une chambre de compensation luxembourgeoise, appelée Clearstream, a permis à de grands groupes bancaires de se livrer à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. Voilà pour le premier acte.

Acte II : des businessmen mal intentionnés falsifient des documents afin de compromettre des personnalités politiques de haut rang. Jusque-là circonscrit au monde des affaires, "Clearstream" se transforme alors en scandale d’État impliquant, excusez du peu, un responsable de l’industrie aéronautique, un vétéran du renseignement ainsi que le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, et son meilleur ennemi Nicolas Sarkozy.

L’anti-"Watergate"

Mais, contrairement aux révélations du "Watergate", les investigations de Denis Robert firent à peine trembler les barons de la finance et encore moins le pouvoir en place. Pis, elles lui ont valu une avalanche de procès pour diffamation et l’opprobre de certains confrères estimant son travail bâclé. "Si j’avais su que cette enquête m’attirerait autant d’emmerdes, je ne m’y serais pas risqué", indique en préambule le journaliste d’investigation, incarné à l’écran par un convainquant Gilles Lelouche. On aimerait le croire, mais ce n’est pas faute d’avoir été prévenu. Comme s’attache à le montrer une scène sur deux du film, tous ceux que Denis Robert a croisés pour les besoins de ses recherches l’ont prévenu : "Vous mettez le pied dans quelque chose d’énorme".

On l’aura compris, l’intérêt de "L’Enquête" réside davantage dans le portrait, somme toute assez complaisant, du journaliste en chevalier blanc de l’éthique économique et fiscal. Au même titre que les lanceurs d’alerte aujourd’hui, Denis Robert (par ailleurs coscénariste du film) fut convaincu d’agir pour l’intérêt général mais a fini par se heurter au plus redoutable des ennemis : l’indifférence de l’opinion publique. Il pensait son scoop capable de réveiller les consciences. Elles se sont au contraire complues dans les guéguerres politiciennes qui en ont résulté.

Gageons que, malgré sa complexité, "L’Enquête" suscite un sursaut auprès du public. Et agisse comme un électrochoc dans ce contexte où les affaires de fraudes fiscales massives semblent se multiplier sans susciter le moindre mouvement de contestation populaire.

-"L’Enquête" de Vincent Garenq, avec Gilles Lelouche, Charles Berling, Laurent Capelluto, Florence Loiret Caille… (1h46).