
Auteur d'un cinéma d'ordinaire grave et âpre, Xavier Beauvois signe avec "La Rançon de la gloire" une farce bienveillante sur deux branquignols de l’entourloupe. Et rend hommage à la vieille comédie américaine comme remède à la grande dépression.
Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent dans les salles françaises. Cette semaine, la sympathique fable burlesque "La Rançon de la gloire" de Xavier Beauvois et le polar bancal "L’Affaire SK1" de Frédéric Tellier.
On reconnaît les idées les plus foireuses à la simplicité de leur énoncé. "Il suffit d’une pelle et d’une paire de couilles", tel est, trivialement résumé, le plan que fomente Eddy Ricaart (Benoît Poelvoorde, égal à lui-même), escroc sans sous ni envergure, pour empocher le jackpot.
Plus concrètement, en cette veille de Noël 1977, alors que le monde entier apprend la mort de Charlie Chaplin, cet arnaqueur à la petite semaine, tout juste sorti de prison, projette de ravir le cercueil du défunt réalisateur afin de demander une rançon à la famille qu’il sait richissime. Ne reste plus qu’à convaincre son ami - et accessoirement logeur - de tenter le coup avec lui. Rien de plus aisé : aussi désargenté que lui, Osman (Roschdy Zem), qui s’occupe seul de sa fille de 7 ans, a un besoin urgent de liquidité pour financer l’onéreuse opération de son épouse (Nadine Labaki), hospitalisée...
Farfelue, direz-vous… L’histoire de ce kidnapping funéraire que retrace Xavier Beauvois dans "La Rançon de la gloire" est pourtant inspirée de faits réels. Et en dit long sur l’énergie du désespoir qui anime parfois les laissés-pour-compte. Reste que le sixième long-métrage du cinéaste français n’est pas une farce purement sociale mais plutôt une ode pleine de tendresse à la figure du clown, aux pieds nickelés de l’entourloupe, aux branquignols du quotidien.
Dans ce registre, on penserait naturellement à la joyeuse bande de bras cassés de "L’Aventure, c’est l’aventure" de Claude Lelouch, mais c’est du côté de la vieille comédie américaine, comme remède à la grande dépression, que lorgne "La Rançon de la gloire". Outre la référence implicite et révérencieuse à Charlot ("L’ami des sans-logis, des migrants et des pauvres", comme le qualifie Eddy), on pourrait voir du Laurel et Hardy ou bien des Marx Brothers dans les agissements - mais pas les agitations - du couple formé par Benoît Poolvoerde l’excentrique et Roschdy Zem le grand calme.
Portées par la musique de Michel Legrand, qui offre un lyrisme légèrement suranné au film, les mésaventures des deux bougres ne versent pas pour autant dans la bouffonnerie gratuite. À l’instar du maître Chaplin, Xavier Beauvois porte un regard extrêmement bienveillant sur ses personnages qu’il se refuse d’accabler par le mépris ou le ridicule excessif. La société s’en charge amplement ("Ils sont déjà condamnés à l’oubli et à l’anonymat de leur misère sociale", dira ainsi leur avocat cherchant la clémence du jury lors de leur procès).
C’est d’ailleurs un peu en marge du monde, au sein d’un cirque, qu’Eddy finira par trouver son salut. Parmi les clowns de son espèce. Sympathique hommage qui situe, dans la filmographie de Xavier Beauvois, "La Rançon de la gloire" à mille lieues de l'âpreté de "N’oublie pas que tu vas mourir" ou de la gravité de "Des hommes et des Dieux". Il n’y a pas de mal à s’adoucir.
-"La Rançon de la gloire", de Xavier Beauvois, avec Benoît Poelvoorde, Roschdy Zem, Séli Gmach, Peter Coyote, Chiara Mastroiani, Nadine Labaki... (1h54)