logo

Les ONG dénoncent une taxe Tobin au rabais

Dès 2016, une taxe sur les transactions financières sera instaurée pour les actions et produits dérivés. Le projet suscite la colère des lobbies bancaires et le dépit des ONG qui dénoncent un accord a minima.

À trois semaines des élections européennes, les ministres des Finances de dix pays de la zone euro se sont engagés, mardi 6 mai, à instaurer la taxe sur les transactions financières (TTF) - dite "taxe Tobin" - à partir de janvier 2016. Elle concernera d’abord les transactions d’actions puis celles des dérivés.

"Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que cela devait être une approche par étapes, en commençant par les actions et certains dérivés", a détaillé le ministre autrichien des Finances, Michael Spindelegger, au cours d'une réunion avec ses homologues des 28.
Matérialisation d’un projet conçu il y a plus de 40 ans par l’économiste américain James Tobin, la TTF a, pour ses partisans, une importance symbolique car elle atteste de la volonté d’un monde politique souvent décrié pour son manque d’action face aux établissements bancaires jugés responsables de la crise.
Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a notamment salué une "double ambition, de calendrier et de contenu", jugeant "important de montrer que l'Europe est capable d'avancer et de transformer des idées qui sont là depuis longtemps en actes". Il a estimé qu’elle rapportera annuellement dans les six milliards d’euros rien que sur les actions, soit bien moins pourtant que les 35 milliards d’euros espérés au départ.

Fronde anti-TTF
Embourbé depuis des mois, ce projet, qui laisse les pays de l'Union européenne libres d'y participer ou pas, s'est heurté, depuis que la proposition a été mise sur la table par la Commission européenne en février 2012, aux critiques frontales du secteur financier.
Le Royaume-Uni, resté à l'écart du projet, craint des retombées négatives sur la City de Londres. Après un premier recours rejeté par la justice européenne, le ministre britannique, George Osborne, a promis mardi que son pays n'avait pas dit son dernier mot. "Si (cette taxe) a un impact sur d'autres économies européennes, elles sont en droit de la contester, et nous allons le faire", a-t-il averti.
Plusieurs autres pays se sont joints à la fronde anti-TTF: "Il n'y a pas eu de consultation politique (...) ni de travail technique sur l'impact sur les pays non participants", a déploré le Suédois Anders Borg, qui a qualifié cette taxe de "très inefficace et coûteuse". Quant au Luxembourgeois Pierre Gramegna, il a jugé qu'une telle taxe ne serait "pas bonne pour les marchés de capitaux en Europe".
Les ONG dénoncent un projet "en trompe l’œil"
Cette taxe, promesse faite en 2011 par la chancelière Angela Merkel et le président Sarkozy, était perçue comme un moyen de mettre les banques à contribution pour résoudre des crises telles que celles qui avaient mis la Grèce et l’Irlande à genoux.
Face à cet accord au rabais, les ONG ont immédiatement fait part de leur mécontentement, à l'image d'Oxfam, qui a dénoncé une taxe "en trompe l'œil" et accusé les ministres d'avoir "cédé face aux lobbies financiers".
ONE France a également regretté que "l'affectation d'une partie des revenus de la taxe à la solidarité internationale ne soit pas incluse dans l'accord". Car les participants ne se sont pas plus mis d'accord à ce stade sur l'affectation du produit de la taxe que sur ses contours.

Avec AFP et Reuters