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Thomas Piketty, l'économiste français superstar outre-Atlantique

L'ouvrage de l'économiste français Thomas Piketty "Le capital au XXIe siècle" est, actuellement, le livre le plus vendu aux États-Unis sur Amazon. Un engouement populaire pas si étonnant au pays du libéralisme triomphant.

Il occupe actuellement la première place des ventes sur la version américaine d'Amazon et il est français. Ce n’est ni Marc Levy, ni Guillaume Musso, ces auteurs de romans populaires habitués aux records de ventes de ce côté-ci de l’Atlantique. Il s’appelle Thomas Piketty, il est économiste et son nouveau livre “Le capital au XXIe siècle”, un pavé de 700 pages, est un succès indéniable depuis sa traduction en anglais en mars. C’est même pour sa maison d’édition, la Harvard University Press, le premier best-seller en 101 ans d’existence.

Pour une nation qui s’est battue pendant près de 50 ans contre l’Union soviétique, où “Le Capital” de Karl Marx était l’un des livres officiel de chevet, le titre du nouvel ouvrage du professeur de l’École d’économie de Paris et directeur d'études de l'EHESS aurait pu être perçu comme une provocation. Mais son propos, l’histoire des inégalités de richesses dans le monde, est d’une actualité brûlante au pays des salaires mirobolants des PDG et financiers de Wall Street. “Les inégalités ont beaucoup plus augmenté aux États-Unis qu'en Europe au cours des trente ou quarante dernières années. De ce point de vue, ce n'est pas étonnant que le problème soit très présent dans le débat américain. Le retour des inégalités inquiète ici”, souligne Thomas Piketty au quotidien “Le Monde”, qui s’étonnait que son livre semble recevoir un écho plus important aux États-Unis qu’en France.

Reçu à la Maison Blanche

Et l’accueil dans le monde anglo-saxon est plus que positif. Le prix Nobel d’économie 2008 et éditorialiste pour le “New York Times”, Paul Krugman, qualifie le “Capital au XXIe siècle” de “révolutionnaire”. “Piketty a transformé notre discours économique [avec ce livre, NDLR], et nous ne parlerons plus jamais d’inégalité des richesses de la même manière”, assure-t-il dans une longue critique dithyrambique de cette œuvre. Pour le journaliste économique américain Matthew Yglesias, c’est tout simplement “le livre économique le plus important de l’année”. Les éloges sont même venus du très influent “Financial Times”, le quotidien britannique censé refléter l’humeur de la City, le cœur financier de Londres.

Thomas Piketty a, également, été reçu à la Maison Blanche par les conseillers de Barack Obama. Un honneur que François Hollande ne lui a pas accordé à ce jour. Thomas Piketty est pourtant proche de la gauche, il avait d'ailleurs soutenu lors de la campagne présidentielle de 2007 Ségolène Royal, l'ex-campagne de l'actuel président.

C’est donc aux États-Unis que la thèse du frenchy remue le plus les méninges. Son livre retrace l’histoire des inégalités non pas entre les riches et les autres, mais entre les ultra-riches et le reste de la population. Il s’intéresse donc au fameux “1 %” brocardé par des mouvements protestataires comme “Occupy Wall Street”. Mais au lieu de simplement les dénoncer - “Je suis vacciné contre la rhétorique paresseuse de l’anticapitalisme”, écrit-il -, il apporte plus de 100 ans de données chiffrées sur l’accumulation des patrimoines.

Une aristocratie d'ultra-riches

Le constat est simple : à part pendant les "Trente glorieuses", le système économique des démocraties libérales a toujours eu tendance à creuser les inégalités aux profits des plus riches. La situation actuelle ressemble de plus en plus à la “Belle époque” des propriétaires fonciers en Europe : les inégalités de richesses atteignent les records du tournant du XIXe et XXe siècle. Surtout, les grandes fortunes actuelles ont de fortes similitudes avec celles de la fin du XIXe siècle. Ce sont des patrimoines constitués qui se transmettent de génération en génération. Seule différence : à la "Belle époque", le foncier était encore très important alors qu’aujourd’hui, ces richesses proviennent essentiellement de la rente du capital.

En clair, et c’est pour Paul Krugman la raison de son succès aux États-Unis, ce livre souligne que les inégalités ne sont pas dues à des fortunes constituées à la sueur du front de “self-made men”, mais à l’instauration d’une sorte d’aristocratie d’ultra-riches.

Reste à savoir si au delà de critiques élogieuses, de ventes confortables et de débats passionnés, les idées défendues par la “french superstar” auront un impact concret sur les politiques, que ce soit en France ou aux États-Unis. Thomas Piketty appelle dans son livre à repenser l’impôt progressif sur les revenus et à instaurer une taxation, si possible internationale, des patrimoines.

"Le capital au XXIe siècle" :
Éditions du Seuil, 976 pages, 09/2013

"Capital in the Twenty-First Century" :
Harvard University Press, 696 pages, 04/2014