
Des survivants du naufrage qui s'est produit au sud de Malte vendredi, et qui a coûté la vie à des dizaines de migrants syriens en provenance de Libye, affirment que des miliciens libyens "ont pointé leurs mitraillettes" sur les réfugiés.
Le dernier bilan du naufrage survenu vendredi 10 octobre, au large de Malte et de l'île italienne de Lampedusa, fait état de 36 morts, en majorité des Syriens. "Il pourrait s'alourdir, nous n'avons pas de liste des passagers et ne savons pas combien de gens chercher", expliquait dimanche un porte-parole du gouvernement maltais. Le nombre possible de passagers oscille entre 270 et 400. Les autorités italiennes et maltaises en ont sauvé plus de 200. Comme lors de la tragédie du 3 octobre qui a fait 363 morts (et 155 rescapés) – essentiellement des Érythréens –, les naufragés étaient partis des côtes libyennes. Cette fois-ci ils avaient embarqué à Zouara, à 60 km de la frontière tunisienne.
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Deux rescapés ont affirmé avoir été suivis pendant quatre à cinq heures "par des miliciens libyens" qui ont, à un moment, tiré sur leur bateau pneumatique, faisant "deux blessés" et provoquant son naufrage. "Le bateau a commencé à prendre l'eau, s'est rempli très vite" et tout le monde s'est retrouvé à la mer, a déclaré à l'AFP Mohammed, un rescapé syrien. Interrogé avec sa fille de 5 ans à ses côtés, il n'a aucune nouvelle de sa femme Taghrid, qui était enceinte de jumeaux, ni de leur autre fille âgée de 7 ans.
Aisha, une Libanaise de 25 ans, rescapée elle aussi du naufrage avec son mari syrien, a corroboré son récit : "Les miliciens nous ont suivis, puis ils ont pointé leurs armes sur nous, réclamant de l'argent, nos reins, nos foies. Comme personne ne donnait rien, ils ont commencé à nous tirer dessus", transperçant l'embarcation qui s'est dégonflée. Selon d'autres témoignages cités par les médias italiens, les tirs pourraient être aussi le résultat d'un affrontement en pleine mer, entre bandes rivales de trafiquants.
Les rescapés ont dit avoir payé 1 500 dollars par adulte et 900 dollars pour les enfants pour la traversée. "Quand nous sommes montés à bord, les miliciens ont pointé leurs mitraillettes sur nos têtes, j'avais 5 000 dollars que j'ai dû leur donner", a raconté Mohammed. Le capitaine du bateau, un Tunisien reconnu par des survivants, a été arrêté par les autorités maltaises, selon les médias.
Rome renforce son dispositif maritime et appelle l'UE à réagir
Le flot de migrants et réfugiés secourus par les forces italiennes et maltaises a continué de grossir dimanche. Plus de 380 personnes ont été recueillies sur deux embarcations et emmenées vers Pozzallo en Sicile, tandis qu'une centaine d'autres ont été prises en charge par les autorités de La Valette. Des vedettes de la police douanière se sont également portées au secours de 200 migrants qui devaient débarquer dans la nuit à Reggio Calabre.
Le Premier ministre Enrico Letta a discuté avec son homologue maltais Joseph Muscat de la "mission militaro-humanitaire" que Rome compte lancer cette semaine, en accroissant sensiblement le nombre de navires mobilisés, renforcés par des moyens aériens. Le ministère de la Défense devrait présenter un plan d'action détaillé lundi.
Le chef du gouvernement maltais, qui s'est rendu dimanche en visite éclair en Libye, a estimé que l'Italie et Malte sont laissés seuls face à un "problème énorme". De l'Europe, dont les dirigeants se réuniront pour un sommet les 24 et 25 octobre, Joseph Muscat attend "non pas de l'argent" mais "un engagement politique" et une "stratégie claire".
Avec dépêches