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France : les poilus fusillés "pour l’exemple" bientôt réhabilités ?

Près de cent ans après la Première Guerre mondiale, un rapport d'historiens, remis mardi au ministre des Anciens combattants, Kader Arif, plaide pour la réhabilitation dans la mémoire nationale des soldats français fusillés "pour l'exemple".

Pour avoir refusé d’obéir aux ordres d’un officier, certains soldats français de la guerre 1914-18 ont été fusillés "pour l’exemple". Un rapport d'historiens remis, mardi 1er octobre, au ministre des Anciens combattants, Kader Arif, préconise des pistes pour réhabiliter ces soldats français dans la mémoire nationale.

Le rapport ne pose pas la question des victimes d'injustices avérées, "mais celle de fusillés en quelque sorte ’ordinaires’. Pas nécessairement des mutins, ni des fusillés ‘pour l'exemple’, mais des soldats qui "ont eu un jour un moment de faiblesse ou de ras-le-bol".

Un effet "dissuasif"

Le rapport relate quelques cas poignants, comme celui de ces quatre soldats condamnés à mort et exécutés, en 1915, pour avoir refusé de repasser à l'attaque, alors qu'ils venaient de s'épuiser dans de vains assauts. "La plupart étaient de bons soldats qui ne méritaient pas la mort".

"Aujourd'hui, on compte autour de 600 à 650 fusillés pour des faits relevant de la désobéissance militaire et, en comptant les crimes de droit commun et l'espionnage, 740 environ au total", recense ce rapport issu du groupe de travail animé par le président du Conseil scientifique de la Mission du centenaire, Antoine Prost.

"Les exécutions devaient exercer un effet dissuasif sur la troupe. [...] Elles devaient servir d'’exemple’, ce qui ne veut pas dire que les soldats exécutés étaient innocents, mais signifie que leur jugement visait aussi à éviter d'autres désobéissances d'autant que l'exécution se faisait devant la troupe", expliquent les auteurs du rapport.

La société prête à les réhabiliter

Près de 100 ans après le début du premier conflit mondial, "un large consensus existe dans notre société pour estimer que la plupart n'étaient pas des lâches" mais de "bons soldats, qui avaient fait leur devoir et ne méritaient pas la mort", souligne le rapport.

"Nos contemporains, insiste-t-il, de droite comme de gauche, n'ont plus l'intransigeance d'antan ; beaucoup sont plus sensibles aux conditions épouvantables [des poilus], ils comprennent que certains aient un jour ou l'autre ‘craqué’, sans être des lâches pour autant."

Déclaration solennelle et travail pédagogique

Régulièrement, des hommes politiques ont plaidé la cause de ces soldats privés des honneurs de la République. En 1998, Lionel Jospin, alors Premier ministre, appelait à Craonne (Aisne) à ce que ces soldats "plongés dans un désespoir sans fond [qui] refusèrent d'être des sacrifiés", réintègrent "notre mémoire collective nationale". Plus récemment, Nicolas Sarkozy défendait lui aussi la mémoire de bien des "fusillés pour l'exemple".

Les auteurs du rapport préconisent une troisième solution : "une déclaration solennelle éventuellement renforcée d'un projet pédagogique". Cette déclaration affirmerait "de façon très forte que beaucoup de fusillés, mais non pas tous, l'ont été dans des conditions précipitées, parfois arbitraires".

Avec dépêches