
Lors de la mobilisation contre le mariage pour tous du 24 mars, un nouveau collectif s'est distingué en défiant l'interdiction de défiler sur les Champs-Élysées : "le printemps français". Un groupe au nom évocateur mais aux contours encore flous.
Le "printemps français" est né le 21 mars, "premier jour du printemps", se plaît à dire l'un de ses membres, l’avocat Frédéric Pichon. Mais ses origines remontent, en réalité, au 13 janvier dernier, date de la première grande manifestation contre le mariage gay qui a mobilisé 340 000 manifestants selon la police et 800 000 selon ses organisateurs. Face à la marée humaine qui défile dans les rues de Paris, l'envie est tentante, pour certains manifestants, de faire la comparaison avec les mouvements populaires qui ont bouleversé le monde arabe en 2011. L'idée de "printemps français" est alors évoquée par une faction du mouvement anti-mariage gay, qui se veut plus radicale.
Le mois suivant, Frigide Barjot, égérie des anti-mariage gay, prévoit de frapper fort en annonçant une nouvelle manifestation pour le 24 mars, cette fois-ci sur les Champs-Élysées. Le 25 février, le nom de domaine "printempsfrancais.com" est déposé par Béatrice Bourges, présidente du Collectif pour l’enfant et alors porte-parole du mouvement dirigé par Frigide Barjot. Mais c'est la douche froide : pour des raisons de sécurité, le défilé sur les Champs-Élysées est interdit d'abord par la préfecture, puis par le tribunal administratif de Paris.
Si le principal mouvement se plie à l'interdiction, le "printemps français", lui, renouvelle son appel. Un appel qui sera, selon lemonde.fr, relayé par le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, mais aussi des sites catholiques et des blogs proches de l'extrême droite, comme l'Action française. Bravant les interdits, les manifestants vont camper sur les Champs-Élysées et installer des tentes en bas de la célèbre avenue. "Le printemps français a véritablement pris son envol le 24 mars", confirme Frédéric Pichon.
Ligne radicale vs ligne Bisounours
Suite aux débordements et aux échauffourées survenus le jour du défilé, Frigide Barjot a tenu à se démarquer, dès le lendemain, en jugeant "irresponsable d’envoyer des familles avec leurs enfants sur des artères interdites par la préfecture, avec la menace de la répression". Dans un entretien avec Le Parisien, elle affirme que "Béatrice Bourges n’est plus membre de notre collectif". La rupture est consommée. "En se désolidarisant de ces familles qui ont reçu des gaz lacrymogènes, en les traitant de skinheads, elle a lâché ses troupes", a réagi dans la foulée Béatrice Bourges, qui s'affiche clairement comme plus radicale que le mouvement de Frigide Barjot, qu’elle juge trop "Bisounours".
Mais qui sont ses troupes ? Interrogée sur France Inter deux jours après la manifestation, Béatrice Bourges est peu loquace sur le sujet. "Ce sont des citoyens lambda qui viennent des régions et qui se sentent bafoués", indique-t-elle. "Une résistance pacifique est en train de s’organiser". En revanche, aucun chiffre n'est donné sur le nombre de membres. "Nous recevons des appels de toute la France pour constituer des comités", note Me Pichon. Le compte Twitter officiel de "printemps français" compte, pour l'heure, 695 abonnés.
"Usurpation du terme"
Obscur, le collectif veut échapper volontairement "à tout type d’enfermement réducteur", poursuit Me Pichon, qui refuse de lui prêter un caractère confessionnel, "même si beaucoup de ses membres sont catholiques". "Nous récusons également toute récupération politique de la droite ou de l’UMP", ajoute-t-il. Ce qui est certain, c'est que le "printemps français" se présente désormais comme anti-gouvernemental. "Nous avons le sentiment d’être méprisés car malgré les manifestations que nous menons et les pétitions que nous signons, nous ne sommes pas entendus", poursuit l’avocat, qui dénonce "un gouvernement arrogant".
Faut-il y voir une référence légitime au printemps arabe ? Selon Frédéric Pichon, le point commun entre ces mouvements contestataires est la "légitimité populaire". Il s’agit purement et simplement d’une fausse comparaison et d’une usurpation du terme, rétorque pour sa part le porte-parole d’Attac, Thomas Coutrot, qui rappelle que le printemps arabe ou même les "Indignés" sont des mouvements d’émancipation qui revendiquent plus de droits sociaux et de libertés. “Ce mouvement-là souhaite, à l’inverse, empêcher les homosexuels d’avoir les mêmes droits qu’eux.”