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Scandale du "Vatileaks" : ouverture du procès de l'ex-majordome de Benoît XVI

L’ex-majordome du pape comparaît devant la justice du Vatican pour avoir subtilisé dans l’appartement de Benoît XVI des documents confidentiels dont la divulgation a jeté une lumière crue sur les luttes de pouvoir au sein de l’État pontifical.

Fidèle parmi les fidèles, Paolo Gabriele se croyait investi d’une mission sacrée : révéler le mal et la corruption qui rongent le Saint-Siège de l’intérieur. L’ancien majordome du pape se retrouve, ce samedi, sur le banc des accusés pour avoir fait fuiter des dizaines de documents ultra-confidentiels qu’il avait préalablement subtilisés dans les appartements de Benoît XVI.

Paolo Gabriele, 46 ans, a rapidement reconnu les faits après son arrestation, le 23 mai dernier, se disant mandaté par l’Esprit Saint pour combattre des dérives dont le souverain pontife n’était pas informé.

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L'Église catholique à la veille d'une nouvelle scission ?
Scandale du "Vatileaks" : ouverture du procès de l'ex-majordome de Benoît XVI

Mais le corbeau du Vatican devra sans doute expliquer à ses juges - trois magistrats laïcs - son choix de révéler ces informations secrètes alors qu’il avait un accès inégalé à la personne de Benoît XVI. "Paoletto", comme l’appelait affectueusement ce dernier, était le premier et le dernier à voir le pape tous les jours, lui préparant ses habits de cérémonie et lui servant ses repas.

Rivalités internes au Vatican

"C’est la première fois que des documents confidentiels, parfois écrits de la main même du pape, se retrouvent dans la presse, commente Odon Vallet, historien des religions à Paris. Il s’agit d’un vol de documents, mais de documents qui en disent long sur les difficultés internes de la cité du Vatican sur les rivalités, les jalousies, les dénonciations, notamment sur le plan de la transparence financière", ajoute-t-il.

Les documents subtilisés par l’employé fidèle ont enrichi l’enquête du journaliste Gianluigi Nuzzi. La publication de son livre, "Les papiers secrets du Vatican", a ainsi jeté une lumière crue sur les affaires financières et les luttes internes présumées qui déchirent la hiérarchie de l’État pontifical. Un scandale aussitôt rebaptisé "Vatileaks" par la presse italienne.

Pour Odon Vallet, l’affaire traduit parfaitement les tensions qui règnent actuellement au Vatican. "Le pape a 85 ans, il y aura peut être un conclave bientôt pour lui désigner un successeur", rappelle l’historien avant de poursuivre : "Les cardinaux italiens aimeraient bien que le prochain pape soit italien. Donc, il y a un climat un peu tendu".

L’enjeu de la transparence financière

Au-delà des enjeux concernant la succession du pape, l’affaire met en lumière les divisions qui déchirent l’Église, notamment au sujet de la transparence des finances de l’État pontifical. "Certains, affirme Odon Vallet, se demandent si on n’est pas à la veille de la grande réforme, comme au XVIe siècle, quand Luther s’était révolté contre les indulgences pontificales qui promettaient le paradis moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. Il y a beaucoup de similitudes entre ce qu’il s’est passé alors et ce qu’il se passe aujourd’hui. Est-ce qu’on est à la veille d’une nouvelle scission ? La question reste entière."

Le Vatican subit en la matière la pression des autorités européennes, qui menacent de placer l’État pontifical sur la liste noire des paradis fiscaux s’il n’instaure pas davantage de transparence dans ses finances. Ce à quoi s’oppose farouchement le cardinal Bertone, secrétaire d’État du Vatican. "Le prestige ne va pas sans mystère", explique Odon Vallet, paraphrasant le général de Gaulle. "Le cardinal Bertone n’est pas vraiment apprécié au sein de la curie romaine, car il s’oppose au principe de transparence. Et, à l’évidence, nombreux sont ceux qui souhaiteraient révéler des éléments à charge contre lui", poursuit l’historien.

La grande inconnue de ce procès réside d’ailleurs dans l’existence ou non de commanditaires ayant ordonné le vol de documents. "Paolo Gabriele a-t-il agi seul pour, comme il le dit, ‘moraliser l’Église’, ou fait-il partie d’une plus vaste opération qui viserait, à travers la publication de ces documents, à promouvoir un agenda politique et à déstabiliser certaines personnes en place au sein de la curie romaine ?", s’interroge à ce titre Tristan Dessert, correspondant de FRANCE 24 à Rome.

Paolo Gabriele risque quatre ans de prison

Ce procès public, inédit dans l'histoire de l'Église catholique moderne, s'est ouvert à 9h30 (7h30 GMT). La publicité des débats a été très strictement encadrée. Seul un pool restreint de huit journalistes a été admis dans la petite salle du tribunal, où 50 personnes peuvent tenir debout. Il leur est interdit d'utiliser enregistreurs, appareils photos ou cameras.

Un chèque de 100 000 euros à l’ordre du pape, une pépite d’or et un livre du XVIe siècle ont été retrouvés lors d’une perquisition au domicile de Paolo Gabriele. Ce dernier a assuré qu’il avait l’intention de rendre ces objets.

L’ancien majordome du pape risque jusqu’à quatre ans de prison. Il sera jugé aux côtés de Claudio Sciarpelletti, un informaticien du Vatican accusé de complicité.

Comme il n’y a pas de prison dans le petit État du Vatican, l’ancien majordome - s’il est condamné et si le pape ne le gracie pas - devra purger sa peine dans un établissement pénitentiaire italien.