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La ministre française de la Justice a dévoilé les grandes lignes de la réforme ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. La droite catholique monte au créneau, les associations de défense des droits des homosexuels déplorent un projet frileux.

Prenant un peu d'avance sur l'agenda gouvernemental, Christiane Taubira a défini, ce mardi 11 septembre, les contours du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes du même sexe. Lors d’une interview accordée au quotidien catholique "La Croix", la ministre française de la Justice a indiqué que le texte allait "étendre aux personnes de même sexe les dispositions actuelles du mariage, de la filiation et de la parenté".

Et de préciser : "Nous ouvrirons donc l'adoption aux couples homosexuels et ce, dans un cadre identique à celui actuellement en vigueur [...] Ils pourront, comme les autres, adopter de façon individuelle ou conjointe (de façon simple ou plénière)." La réforme ne prévoit toutefois pas de donner accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Au grand dam des associations de défense des droits des homosexuels qui en avaient l'une de leurs revendications.

Débat houleux

Engagement de campagne du candidat socialiste François Hollande lors de la course à la présidence, l'examen de la légalisation du mariage gay devait intervenir, aux dires du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, au "premier semestre 2013". Le projet sera finalement présenté en conseil des ministres à la fin d'octobre. Bien qu'une majorité des Français accepte l'idée d'ouvrir le mariage et l'adoption à tous (63 % d'entre eux se disent favorables au mariage et 56 % à l'adoption, selon un sondage BVA publié en janvier 2012), le débat parlementaire s'annonce houleux.

L'égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuel en matière de mariage fait régulièrement l'objet d'âpres débats au sein de la classe politique française. Le Parti socialiste (PS) s'y est déclaré favorable dès 2002, tandis que l'UMP, à l'instar de l'ancien président Nicolas Sarkozy, s'y est toujours opposé.

Un autre nom que "mariage" ?

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Boutin : "Un projet de loi lourd pour ses conséquences sur la société" (11/09/12, Europe 1)

À peine le projet fut-il dévoilé que Christine Boutin, opposante historique aux unions gays, a demandé la tenue d'un référendum sur le sujet. "C'est un projet de loi qui est lourd dans ses conséquences pour la société, a réagi la présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD) sur les ondes d’Europe 1. J'ai sollicité auprès du Premier ministre une audience pour l'organisation d'un référendum sur ce texte pour trois raisons : c'est l'intérêt du gouvernement qui est favorable à une démocratie participative, c'est l'intérêt des Français qui pourraient chacun prendre leur responsabilité (...) et c'est enfin l'intérêt pour la paix sociale et civile."

Pour sa part, Alain Juppé, maire UMP de Bordeaux, a estimé sur son blog que la reconnaissance des couples homosexuels ne devait pas nécessairement s'appeler "mariage" et s'est dit opposé à l'adoption par les couples homosexuels, "quels que soient les arguments" invoqués.

Pour l'Église catholique, le cardinal André Vingt-Trois a indiqué qu'il espérait pouvoir faire modifier le contenu du projet de loi. "Les contacts que nous avons notamment avec Mme Taubira peuvent être de nature à infléchir le contenu de ce projet de loi", a estimé à l’AFP président de la Conférence des évêques de France (CEF), qui doit rencontrer la ministre de la Justice "la semaine prochaine".

"Préprojet"

De son côté, le camp socialiste s’est attaché à défendre l’idée d’un mariage ouvert aux homosexuels tout en nuançant les propos de la ministre de la Justice. Dans l'entourage de la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, on précisait, ce mardi, qu’il ne s'agit que d'un "préprojet": "Les premières auditions démontrent que des questions sont ouvertes." Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, a toutefois exclu la tenue d'un référendum sur le projet, car, selon lui, le Parlement "est là pour voter la loi".

Dans les associations de défenses des droits des homosexuels, les annonces de Christine Taubira ont été accueillies avec prudence. Le porte-parole d'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), Nicolas Gougain, a rappelé que l'accès à la PMA "était un engagement de François Hollande". Et s'est étonné que "ni l'Inter-LGBT ni les associations homoparentales" n'aient été reçues à la chancellerie dans le cadre des consultations entamées par la ministre.

Si un tel projet de loi venait à être voté par le Parlement, la France deviendrait le 12e pays dans le monde à ouvrir le mariage aux personnes du même sexe sur l’ensemble de son territoire (voir carte ci-dessus).

FRANCE 24 avec dépêches