
Le patron français de l'empire du luxe LVMH, Bernard Arnault, a sollicité la nationalité belge. Une démarche qui risque d'enflammer le débat sur le projet de Matignon de taxer à 75 % les revenus annuels supérieurs à un million d'euros.
"L'homme le plus riche de France veut devenir Belge", titrait samedi "La Libre Belgique". En quelques heures, le scoop a été repris par toute la presse française avant d’être confirmé par l’intéressé lui-même. Le PDG du groupe français de luxe LVMH Bernard Arnault a déposé la semaine dernière une demande à la commission des naturalisations de la Chambre des représentants, l'une des deux chambres du Parlement belge.
"Le dossier sera traité comme tous les autres. Il y en a 47 000 sur notre table", a souligné le président de la commission des naturalisations, Georges Dallemagne, interrogé par le quotidien belge.
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Le code de la nationalité belge "prévoit qu'un candidat à la naturalisation doit avoir 18 ans accomplis, prouver trois ans de résidence en Belgique et, si ce n'est pas le cas, démontrer qu'il a des attaches véritables avec la Belgique", rappelle Georges Dallemagne. Avant Bernard Arnault, d'autres Français fortunés, comme Johnny Hallyday, se sont heurtés à ces conditions.
La révélation de cette requête pourrait enflammer le débat sur les projets fiscaux du gouvernement français, dont les modalités d'application doivent être définies dans le cadre du budget 2013. Vendredi 7 septembre, François Hollande a réitéré sa volonté de taxer à 75 % les revenus supérieurs à un million d'euros par an. Lors d'un entretien mercredi 5 septembre avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, Arnault avait rappelé son opposition, bien connue, à la taxe sur les hauts revenus.
L’homme d’affaires de 63 ans a réagi dans un communiqué publié par son groupe ce samedi pour démentir tout exil fiscal. "Contrairement aux informations publiées ce jour, M. Bernard Arnault précise qu'il est et qu'il reste résident fiscal français. L'obtention éventuelle de la double nationalité franco-belge ne change rien à cette situation, ni à sa détermination de poursuivre le développement du groupe LVMH et les créations d'emplois qui en sont la conséquence en France", peut-on lire.
"Il n'y a aucun intérêt fiscal à cette démarche"
Bernard Arnault justifie sa démarche par des questions familiales et entrepreneuriales. "M. Arnault, originaire du Nord de la France, a de nombreux liens avec la Belgique tant sur le plan personnel et familial que sur le plan professionnel. Son groupe privé (Groupe Arnault) a de nombreux investissements en Belgique, et entend les développer. C'est dans cette perspective que M. Bernard Arnault a sollicité la double nationalité franco-belge", précise le communiqué.
La fiscalité est plus avantageuse en Belgique qu'en France pour les grandes fortunes, notamment en raison d'une faible taxation du capital et de l'absence d'ISF (impôt sur la fortune). Mais c'est la résidence qui prime et non la nationalité. Le président de LVMH dispose d'un domicile à Bruxelles, ajoute "La Libre Belgique".
"Il n’y a aucun intérêt fiscal à cette démarche", estime un fiscaliste interrogé par le journal belge. Sauf si le gouvernement français reprend l'idée de Nicolas Sarkozy de taxer les revenus des Français exilés dans le monde. "Il lui suffira alors de devenir résident belge pour changer de régime fiscal, puis de renoncer à la nationalité française pour échapper à l'impôt sur la fortune et à la taxation des plus-values", explique Thierry Afschrift, avocat fiscalite interrogé par "Le Parisien", daté du 9 septembre.
D'autres confrères y voient plutôt un premier pas vers un exil fiscal vers Monaco. La nationalité belge pourrait permettre à Bernard Arnault - à condition qu'il renonce à la nationalité française - d'échapper aux accords entre la Principauté et la France, qui stipulent que les Français résidant sur le Rocher restent soumis aux impôts de l'Hexagone.
"Cette démarche est surtout un message politique fort qu’il souhaite envoyer au gouvernement français", juge pour sa part un économiste français basé à Paris qui souhaite garder l’anonymat. Samedi, Matignon et l'Élysée n'avaient pas fait de commentaires.
Proche de l'ancien président Nicolas Sarkozy et libéral revendiqué, l'homme d'affaires possède une fortune estimée à 41 milliards de dollars par le magazine américain "Forbes". Après la victoire de la gauche en 1981, il s'était exilé aux États-Unis pendant trois ans.