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Les plages de Normandie pas encore au patrimoine mondial de l'Unesco

Les élus de Basse-Normandie militent pour faire inscrire les plages du Débarquement sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco avant le 70e anniversaire du D-Day, en juin 2014. Un parcours administratif semé d'embûches.

Le gouverneur du Kentucky, Steve Beshear, est venu en personne, le 2 août, apporter son soutien au président du Conseil régional de Basse-Normandie, Laurent Beauvais, qui avec d'autres élus français, milite pour l'inscription des plages du Débarquement au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais même l'appui des Alliés n’a pas convaincu l'organisme des Nations unies d’accélérer le processus. Une fois que le gouvernement français aura transmis le dossier, les plages de Normandie seront alors en dernière position sur la liste des sites français candidats. De plus, la procédure d'évaluation est particulièrement longue et le Comité a tendance à rejeter les candidatures de champas de bataille.

Depuis 2006, les élus locaux militent pour que ce site historique soit reconnu comme patrimoine mondial. Les cinq plages d'Utah, d'Omaha, Gold, Juno et Sword représentent une véritable manne touristique pour la région qui pourrait en tirer encore plus de profits si figurait la fameuse mention « Inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco ». Sur ces plages, ont débarqué quelque 156 000 soldats alliés, américains, britanniques et canadiens, le 6 juin 1944. 10 000 environ ont été tués, malgré le succès final de l'opération.

En février dernier, les défenseurs du projet se sont rendus au ministère de la Culture français avec un nouvel argument : les plages normandes méritent d'avoir le même statut que d'autres sites historiques comparables. « De même qu'Hiroshima ou Auschwitz, sites déjà inscrits sur la liste de l'Unesco, le conseil régional de Basse-Normandie souhaite faire classer les plages du Débarquement au patrimoine mondial d'ici 2014, 70e anniversaire du Débarquement en Normandie », explique un communiqué officiel.

Pour faire avancer le dossier, le vice-président du Conseil régional, Alain Tourret, et le directeur du Mémorial de Caen, Stéphane Grimaldi, n'ont pas hésité à profiter du sommet du G8 qui se tenait à Deauville, en mai, pour adresser une lettre aux huit chefs d'État présents. "Nous ne voulons pas seulement porter un message historique et touristique mais de paix durable", a ainsi affirmé Alain Tourret au quotidien régional Ouest-France.

Quelques semaines plus tard, la campagne des Normands a reçu un coup de pouce de taille en la personne du président Hollande lui-même. "J'apporte tout le soutien de l'Etat à l'initiative prise par la région Basse-Normandie", a-t-il déclaré à la presse. Mais le dossier remis en février au ministère de la Culture n'a pas encore été transmis officiellement à l'Unesco par le gouvernement. Faute de temps, l'objectif de juin 2014 risque d'être compromis.

Les champs de batailles, exceptions parmi les sites du patrimoine mondial

Le processus d'inscription est "long et compliqué". C'est ce qu'a expliqué Alessandro Balsamo, spécialiste du programme du patrimoine mondial, à France 24. Un dossier pourrait "rester coincé dans les tuyaux des années durant".

"Le fait même d'obtenir l'inscription d'un lieu sur la liste indicative requiert des années de préparation", explique-t-il. "Il y a en outre 34 sites français dont les candidatures sont en cours d'examen, et nous ne pouvons étudier que deux demandes par an", ajoute-t-il. Certains sites sont en attente depuis 1996.

Pour être choisi, et même après des années d'attente, le lieu concerné doit répondre à l’un des 10 critères de sélection. Selon Alessandro Balsamo, les plages du D-Day pourraient en satisfaire six, dont celui d'être un site "directement ou matériellement associé à des événements [...] ayant une signification universelle exceptionnelle". Mais le fait qu'il s'agisse d'un champ de bataille constitue un obstacle de taille pour les plages normandes.

"Ici à l'Unesco, on souhaite que les champs de bataille inscrits au patrimoine mondial restent des exceptions. Il est en effet impossible de dire quelle guerre est plus importante que l'autre. Si nous commençons à toutes les recenser, nous aurions une liste interminable", justifie-t-il.

Il reconnaît cependant que le soutien de François Hollande pourrait aider "s'il est sérieux", mais insiste sur le fait qu'il est impossible que la Normandie obtienne l'inscription de ces sites avant le 70e anniversaire du Débarquement en juin 2014. "On aurait besoin d'au moins quatre ou cinq ans", affirme-t-il. "Si les élus de Normandie tiennent vraiment à protéger le site, d'autres recours, moins compliqués, que la liste du patrimoine mondial de l'Unesco s'offrent à eux", remarque encore Alessandro Balsamo. Il évoque notamment certaines dispositions nationales ou européennes prévues pour protéger les lieux d'histoire, dont les champs de bataille.

Reste que le label Unesco est précisément celui qui conviendrait à la Normandie, région dont les revenus proviennent en grande partie du tourisme. C'est aussi une question de fierté pour les habitants de la région, très attachés à l'histoire du Débarquement en Normandie, qui a également coûté la vie à des milliers de civils.