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Le ramadan peut-il peser sur le conflit syrien ?

À l’approche du mois saint du calendrier musulman, les combats ont redoublé d'intensité à Damas et dans d'autres villes de Syrie. Le ramadan va-t-il attiser la révolte ou faire taire les armes ?

Plus que quelques heures avant le début du ramadan ce samedi en Syrie. À Damas, théâtre de violents combats depuis dimanche, les hélicoptères et les chars armés font la chasse aux insurgés. "Ces combats d'une extrême violence devraient se poursuivre pendant les prochaines 48 heures pour nettoyer Damas des terroristes avant le début du ramadan", a indiqué jeudi à l’AFP une source de sécurité dans la capitale. Le régime de Bachar al-Assad entend donc reprendre la main avant l’ouverture du jeûne.

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Ziad Majed, politologue libanais, spécialiste du Moyen-Orient et professeur à l’Université américaine de Paris, estime que le mouvement de contestation va s’amplifier malgré le jeûne et la répression croissante. Il rappelle que l'an dernier, les manifestations de l'opposition, d'abord limitées au vendredi, étaient devenues quotidiennes durant le ramadan. "Beaucoup d'administrations ferment tôt, donc plus de personnes peuvent participer à des rassemblements ou à des manifestations," explique-t-il.

Le ramadan est un mois sacré dans le calendrier musulman, au cours duquel les croyants s'abstiennent de boire et de manger du lever au coucher du soleil. C'est une période où les musulmans sont appelés à se purifier spirituellement - notamment en se rendant de manière régulière à la mosquée. En Syrie, depuis le début de la révolte, ces lieux de culte sont un point de ralliement pour les opposants au régime de Bachar al-Assad.

"Pour les combattants, surtout sunnites, le ramadan est une période d’élan islamique : on veille la nuit, on reprend espoir et foi (…) L’optimisme créé mercredi [par l'attentat de Damas] va aider les révolutionnaires à maintenir la pression sur le pouvoir de Bachar al-Assad", estime Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, basé à Beyrouth, au Liban. "Les opposants vont être davantage mobilisés pendant le ramadan. Le pouvoir de Bachar al-Assad va pratiquer la violence jusqu’au bout, il n’épargnera personne", estime pour sa part Mohamed Ajlani, professeur de sciences politiques et de relations internationales au Centre d'études diplomatiques et stratégiques (CEDS) à Paris.

Un ramadan en plein été

Le ramadan ne risque-t-il pas d'accentuer certaines divisions entre les différentes communautés qui composent la société syrienne ? C’est une source d’inquiétude pour Mohamed Ajlani qui rappelle qu’une partie de la population - les chrétiens, mais aussi certains alaouites - ne pratique pas le jeûne. Inquiétude que le pouvoir entretient depuis des mois, mettant en garde contre le risque de violences sectaires, en particulier entre les sunnites, majoritaires dans le pays, et les alaouites, minorité à laquelle appartient la famille Assad.

La répartition des minorités religieuses en Syrie

Ce qui pourrait encore accentuer les tensions, c’est une hausse brutale du coût de la vie alors que les prix des produits de base augmentent traditionnellement lors du ramadan. L’État syrien, déjà affaibli par les sanctions économiques imposées par l'Occident, ne pourra pas jouer sur le prix des denrées alimentaires. "J’ai des amis professeurs à l’université de Damas qui ne sont pas payés depuis quatre mois. Ils me demandent de leur envoyer 50 ou 100 dollars", explique Mohamed Ajlani, qui a enseigné dans la capitale syrienne.

Le fait que le ramadan se déroule cette année entre juillet et août risque aussi de peser. "Après des journées longues et difficiles du fait de la chaleur, la nuit est le seul moment où l’on peut circuler. Si le ramadan avait eu lieu en février, il n’aurait sans doute pas attisé la révolte, mais là, on risque de voir du monde dans les rues la nuit malgré la crainte de combats", prédit Paul Salem.