logo

Marine Le Pen n’a pas exclu mardi de s’allier à des candidats UMP ou PS au second tour des législatives. Une stratégie destinée à brouiller l’échiquier politique tout en précipitant l'explosion de la droite, selon le politologue Sylvain Crépon.

C’est la petite phrase explosive du moment. Marine Le Pen, la présidente du Front national (FN), a déclaré mardi à Metz lors d’une conférence de presse qu’elle n’excluait pas de soutenir au second tour des législatives des candidats de UMP, voire des candidats PS, en fonction de leur "valeur humaine".

Il est loin le temps où le parti frontiste rejetait une quelconque alliance avec ces partis républicains jugés "pourris". Désormais, Marine le Pen envisage "à titre exceptionnel" de s’allier localement au parti de Jean-François Copé ou de Martine Aubry. Selon la présidente du FN, il y a tout simplement les bons et les mauvais candidats. Il y a ceux qu’elle nomme les "affreux" et les autres, ceux qu’elle estime "sincères, qui ont eu à l'égard du peuple français un comportement correct, qui se sont refusés à voter des choses qui allaient à l'encontre de l'intérêt de la France et des Français."

Des propos qui ont de quoi surprendre. Non seulement l’éventualité d’alliances est pour la première fois ouvertement évoquée publiquement au plus haut de la hiérarchie frontiste, mais, fait inédit, elle adouberait un éventuel rapprochement FN-PS. "C’est un peu une recherche d’alliance à la tête du client", estime Sylvain Crépon, chercheur à l'université Paris-Ouest Nanterre et spécialiste de l’extrême droite. "Mais elle a de quoi inquiéter la droite. Pour la première fois, Marine le Pen fait un clin d’œil à la gauche", continue-t-il.

Jusqu’à présent, seules quelques alliances entre droite et extrême droite avaient été réalisées. Toutes avaient été discrètes - et sanctionnées pour la plupart par les partis de droite républicaine -, mais toutes avaient eu pour but d’évincer le candidat socialiste. En 1983, par exemple, RPR et FN s’étaient alliés lors des municipales de Dreux. En 1998, également, des alliances UDF-FN, RPR-FN avaient été scellées pour court-circuiter le PS.

La dislocation de l’UMP

À droite donc, on manque de s’étrangler à l’évocation de ces éventuelles alliances électorales. "La vraie convergence, elle n’est pas entre nous et le Front national, elle est entre le Parti socialiste et le Front national", s’inquiétait déjà Jean-François Copé, le secrétaire général de l’UMP, le 13 mai dernier sur France Inter. "Je dis aux Français qui ont envie de voter Front national qu’en votant Front national, on a la gauche qui passe", a-t-il ajouté mardi, quelque peu paniqué.

Pour Sylvain Crépon, cette inquiétude dans les hauts rangs de l’UMP est légitime, car la stratégie lepéniste est bien huilée. "Le Front national cherche à semer la zizanie. Appeler à voter PS pour évincer certains candidats de droite fait non seulement souffler un vent de panique à l’UMP mais elle fait aussi le jeu du FN", explique-t-il. Après avoir œuvré à la dédiabolisation de son parti – nouveau nom (Rassemblement bleu marine), nouveau visage - Marine le Pen n’a, selon le spécialiste, plus qu’un seul objectif à remplir : disloquer l’UMP. "En cas de défaite aux législatives, le camp de Jean-François Copé sait qu’il s’expose à une explosion de son camp. Explosion dont le FN entend tirer parti", ajoute le spécialiste. Les stratèges frontistes espèrent en effet une recomposition de l’ancien parti présidentiel autour du parti d’extrême droite. Une sorte de refonte de l’UMP dans laquelle le Front national entend poser ses conditions.

Il faut dire que Nicolas Sarkozy avait ouvert la voie à cette confusion politique. Pour de nombreux experts, en orientant les débats vers les sujets de l’immigration et de l’insécurité pendant la campagne présidentielle, l'ancien chef de l'État avait clairement marché sur les plates bandes du FN. Lui qui souhaitait "siphonner" les voix du Front national, l’a, en réalité, rendu plus fort et surtout plus acceptable. "Certains électeurs UMP attirés par le Front national se sentent moins honteux de donner leur voix au FN dont les thématiques principales sont défendues par un parti respectable", termine Sylvain Crepon. "En superposant ses thématiques à celles du FN, la droite traditionnelle a réussi une chose : permettre au parti d’extrême droite de se racheter une respectabilité dans le débat public."