Quatorze ans après Jean-Paul II, le pape Benoît XVI a achevé mercredi une visite de trois jours à Cuba. Avant de quitter l'île, le Saint-Père a notamment célébré une messe à La Havane et rencontré le père de la révolution cubaine, Fidel Castro.
REUTERS - Le pape Benoît XVI a quitté mercredi La Havane au terme d'une visite de trois jours à Cuba où il a multiplié les appels au changement mais qu'il a conclue par une dénonciation du blocus commercial que les Etats-Unis imposent depuis cinquante ans à l'île communiste.
Au dernier jour de sa visite, le chef de l'Eglise catholique s'est également entretenu avec le père de la révolution cubaine, Fidel Castro, et a célébré une messe en plein air devant 300.000 personnes dans le centre de La Havane.
Le pape, qui était arrivé lundi à Santiago, dans l'est de l'île, en provenance du Mexique, a tout au long de son séjour appelé Cuba à changer, mais son ultime message était adressé aux Etats-Unis.
Prenant la parole lors de la cérémonie organisée pour son départ à l'aéroport de La Havane, il a redit que Cuba devait édifier "une société partageant une vision élargie, rénovée et réconciliée" mais a souligné que cette tâche était plus difficile "lorsque des mesures économiques restrictives imposées par un pays tiers pèsent injustement sur le peuple".
"L'heure présente réclame avec urgence que nous rejetions les positions immuables et les points de vue unilatéraux dans les relations personnelles, nationales et internationales", a-t-il dit.
Eduqué comme son frère Fidel chez les jésuites, le président cubain Raul Castro, qui a assisté aux deux messes célébrées par le pape, lundi à Santiago et mercredi à La Havane, l'a raccompagné jusqu'à son avion. "Votre visite s'est déroulée dans une atmosphère de compréhension mutuelle", lui a-t-il dit. "Nous nous sommes découverts de nombreux et profonds accords, même s'il est naturel que nous ne pensions pas la même chose sur toutes les questions."
"Que fait un pape?"
Benoît XVI s'était auparavant entretenu une trentaine de minutes avec Fidel Castro à la nonciature apostolique de La Havane dans une atmosphère "très cordiale", selon un
porte-parole du Vatican.
Le pape et le père de la Révolution cubaine, âgés respectivement de 84 et 85 ans, ont évoqué la liturgie catholique, la science, l'actualité internationale et ont également plaisanté sur leur âge, a ajouté le père Federico Lombardi.
"Castro a demandé au Pape: 'Que fait un pape ?', et le pape lui a parlé de son ministère, de ses déplacements et de son rôle au service de l'Eglise", a poursuivi le père Lombardi.
Benoît XVI avait auparavant célébré une messe sur la place de la Révolution, là-même où Fidel Castro avait pour habitude de prononcer des harangues de plusieurs heures.
Entouré d'immenses portraits de héros de la révolution - le Che et Camilo Cienfuegos -, le souverain pontife a lu un sermon illustrant les thèmes qu'il a déclinés tout au long de sa
visite, à savoir que Cuba doit construire une société plus ouverte, fondée sur la vérité, la justice et la réconciliation.
"La vérité est une aspiration de l'être humain, dont la recherche suppose toujours l'exercice d'une authentique liberté", a-t-il dit à la foule.
S'en prenant manifestement au marxisme, il a estimé que certains "interprètent à mauvais escient cette quête de vérité, ce qui les mène à l'irrationnel et au fanatisme; ils s'enferment dans 'leur vérité' et cherchent à l'imposer aux autres".
Pendant les 49 années de règne de Fidel Castro, l'Eglise catholique a perdu ses écoles, ses hôpitaux, son accès aux médias et le rôle prépondérant qu'elle jouait dans la société
cubaine.
Le rétablissement de la liberté religieuse, en 1991, la venue historique de Jean Paul II sept ans plus tard et les réformes engagées sous la conduite de Raul Castro depuis qu'il a succédé à son frère, il y a quatre ans, ont amélioré les relations entre l'Etat et l'Eglise, qui a notamment servi d'intermédiaire dans la libération de 130 prisonniers politiques en 2010.
Avant la visite de Jean Paul II en 1998, Fidel Castro avait rétabli le caractère férié du jour de Noël, une mesure qui avait contribué à améliorer les relations longtemps tendues entre
l'Eglise et le pouvoir communiste de l'île.
Mardi, Benoît XVI a demandé à Raul Castro de faire du vendredi saint, jour où les chrétiens commémorent la crucifixion du Christ, une fête nationale.
Le même jour, lors d'un pèlerinage à la basilique de la Vierge de la charité d'El Cobre, patronne de l'île, le pape avait prié pour tous ceux qui sont "privés de liberté", allusion
apparente aux prisonniers politiques.
Au pied de la Sierra Maestra, premier refuge des "barbudos" dans les années 1950, il a dit avoir "confié à la mère de Dieu l'avenir de l'île, sur la voie du renouveau et de l'espoir, pour le plus grand bien de tous les Cubains".
Mais le pouvoir a pris le soin de prévenir, en pleine visite pontificale, que les réformes des structures économiques en cours visaient à renforcer le système communiste, et non à l'affaiblir.
"Il n'y aura pas de réforme politique à Cuba", a déclaré Marino Murillo, un des vice-présidents du Conseil des ministres, mardi lors d'une conférence de presse à l'Hôtel Nacional de La Havane, où se trouvait le centre international de presse mis en place pour la venue de Benoît XVI. "A Cuba, nous parlons de la modernisation du modèle économique cubain afin de rendre notre socialisme viable", a-t-il ajouté.