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Nicolas Sarkozy célèbre Jeanne d'Arc, icône du Front national

À quatre mois de la présidentielle, Nicolas Sarkozy rend hommage à Jeanne d’Arc pour le 600e anniversaire de sa naissance. D’aucuns y voient une stratégie pour courtiser les électeurs du Front National dont la sainte est l’icône.

À l’occasion du 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc, le président français Nicolas Sarkozy a célébré la sainte catholique, égérie du Front National, en visitant deux lieux symboliques dans la vie de la "pucelle d’Orléans". À moins de quatre mois des élections présidentielles, nombreux sont ceux qui considèrent son déplacement comme un appel à l'électorat  de l’extrême droite, sous couvert de célébrer une figure nationale réputée pour avoir bouté les Anglais hors de France au cours de la guerre de Cent ans. 

Le président s’est d’abord rendu à Domrémy, commune des Vosges (Est de la France) où Jeanne d’Arc a vu le jour en 1412. Il doit poursuivre sa visite à une quinzaine de kilomètres, à Vaucouleurs, ville où elle demanda à s’entretenir avec le roi Charles VII. Plus tard, ce dernier l’autorisera à porter l’armure des chevaliers pour combattre la "Perfide Albion".

Depuis des décennies, le Front national, parti d’extrême droite, a adopté la figure de Jeanne d’Arc comme emblème. Le 1er-Mai, la marche annuelle du parti se termine d’ailleurs traditionnellement par un rassemblement au pied de la statue de Jeanne d’Arc sur son cheval, place des Pyramides à Paris.

"Je pense que [Nicolas Sarkozy] rend hommage à Jeanne d’Arc pour le profit électoral. Il aimerait bien nous voler des électeurs", a estimé jeudi, sur FRANCE 24, Jean-Marie Le Pen, ancien dirigeant historique du parti d’extrême droite.

Sa fille Marine, qui a pris les rênes du parti en 2011 et en est aujourd’hui la candidate à l’élection présidentielle, a fustigé Nicolas Sarkozy pour "son manque d’imagination". Car samedi, le Front National a également prévu de commémorer le 600e anniversaire de la naissance de la sainte place des Pyramides…

"Jeanne d’Arc doit rester un symbole de notre union (…) pas un symbole, pour certains, pour nous diviser", a déclaré Nicolas Sarkozy depuis Domrémy, bottant en touche. 

Car le Front national n’est pas le seul à accuser le président de "récupération". "Nous assistons à un mensonge politique. Ce n'est pas le président qui rend hommage [à Jeanne d'Arc], c’est bien évidemment le candidat présidentiel", a estimé Pierre Patakowsky, président de la Ligue française des droits de l'Homme.

Du martyre au mythe

Les historiens s’accordent à dater l’exécution de Jeanne d’Arc pour hérésie au 30 mai 1431. Mais ils ne parviennent pas à déterminer avec précision la date de sa naissance, qu’ils situent communément autour de la première quinzaine de janvier 1412. Et depuis sa mort, l’héritage de son combat et les symboles qu’elle incarne restent source de vifs débats.

Selon Sylvain Crépon, professeur de sociologie à Paris X et expert de l’extrême droite en France, le mythe de Jeanne d’Arc s’est développé par le biais de l’école républicaine française à la fin du XIXe siècle pour encourager la cohésion nationale. "Au début du XXe siècle, elle était un symbole républicain et même de la gauche. Elle était vue comme une paysanne qui ne savait ni lire ni écrire, mais qui a uni un peuple et a côtoyé les rois."

Puis, selon l’historien, la figure de Jeanne d’Arc a été peu à peu abandonnée par la gauche républicaine pour être reprise par l’extrême droite et les catholiques radicaux "non pas comme un symbole national mais nationaliste". Elle a, du coup, été glorifiée pour avoir "bouté les anglais hors de France" et "dénoncé les traitres".

Pour l’historienne Claude Gavard citée par l’AFP, C’est sa beatification en 1909 – elle sera canonisée en 1920 - qui confirme son importance symbolique. "Après la séparation des pouvoirs entre l’Église et l’État (loi de 1905), elle devient un moyen de faire la paix entre L’Église et la République." 

Un symbole électoral ?

Déjà, en 2007, l’électorat traditionnel du Front national avait largement contribué à la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle. En promettant récemment de durcir les lois sur l’immigration, le président renoue avec sa stratégie de campagne de 2007. L’électorat traditionnel du Front national, séduit par le discours de rupture du candidat, avait contribué à cette victoire.

D'après certains observateurs, les efforts manifestes de Nicolas Sarkozy pour tenter d’arracher la figure de Jeanne d’Arc au Front national passent pour une manœuvre maladroite visant à caresser les sympathisants d’extrême droite, toujours plus nombreux selon les sondages, dans le sens du poil. D’autant que de l’avis même des militants du Front national – et de la plupart des Français – aujourd’hui, tout le monde se fiche de Jeanne d’Arc.

"Jeanne d’Arc n’est pas ce qui pousse les gens à voter pour le Front national. Son image ne motive que les militants encartés charmés par le folklore de leur propre famille politique, affirme Sylvain Crepon. Les électeurs, même de droite, ne s’intéressent pas vraiment à Jeanne d’Arc".