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Les dessous de la libération du soldat Gilad Shalit

Après cinq ans de vaines négociations, un accord sur la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit a été signé entre Israël et le Hamas. En toile de fond : le printemps arabe, la crise sociale en Israël et les rivalités interpalestiniennes.

A la suite de l'accord signé mardi entre le Mouvement de la Résistance islamique (Hamas), au pouvoir dans la bande de Gaza, et Tel-Aviv, le soldat franco-israélien Gilad Shalit, enlevé en juin 2006 à la lisière de l'enclave palestinienne, devrait être remis en liberté très prochainement. En échange, l'Etat hébreu a consenti à la libération de plus d’un millier de prisonniers palestiniens. Du jamais vu : en 1983, Tel-Aviv avait en effet échangé 4 500 prisonniers arabes contre 6 Israéliens et, en 1985, trois soldats capturés au Liban en 1982 contre 1 150 combattants palestiniens.

Après des tractations qui sont restées vaines pendant cinq ans, les deux parties ont donc trouvé le consensus qui a longtemps fait défaut. "Israël a compris qu’il lui serait difficile d’obtenir un meilleur accord. Le Hamas voulait échanger au départ 1 400 prisonniers. Fallait-il encore attendre pour une issue hautement incertaine ? Israël a estimé que non", décrypte ainsi Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS/Ceri et spécialiste du Proche-Orient.

Un accord favorisé par le printemps arabe

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ne disait d'ailleurs pas autre chose en confirmant l'accord, mardi soir : "Je pense que nous avons conclu le meilleur accord possible alors que la tempête agite le Proche-Orient. J'ignore si nous aurions pu en obtenir un meilleur ou en obtenir un tout court dans un avenir proche." Reste que si accord il y a eu, celui-ci est loin d'être étranger au printemps arabe et aux récents événements survenus tant au sein de l'État hébreu que dans les Territoires palestiniens, comme le laisse entendre Netanyahou.
La situation en Égypte - le pays a joué un rôle crucial de médiateur entre les deux acteurs - aurait notamment incité Tel-Aviv à donner un coup d'accélérateur au dossier. Et pour cause : les législatives égyptiennes, qui auront lieu le 28 novembre, pourraient bien faire la part belle aux Frères musulmans. "Pour Israël, c’était donc le moment de conclure un accord car il y a de fortes incertitudes sur le rôle du Caire après le scrutin. Il est quasi certain que les Frères musulmans vont acquérir une plus forte représentativité et on ne sait pas s’ils voudront jouer le même rôle que leurs prédécesseurs", analyse Alain Dieckhoff.
Du côté du Hamas, l'effervescence qui a gagné l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient a également changé la donne. Avec le lancement de la révolte populaire contre le régime de Bachar al-Assad - son principal protecteur - au mois de mars, ses bases en Syrie sont désormais menacées. A tel point que le Mouvement a été contraint de prendre ses distances avec Damas, ce qui l'a obligé à adopter profil bas sur la scène politique intérieure.
Un agenda opportun pour le Hamas et Netanyahou ?
Vue de Gaza, la libération d'un millier de détenus est perçue comme un moyen de reprendre la main face au Fatah dans les Territoires. D'autant que, dans le même temps, Mahmoud Abbas a vu sa cote de popularité grimper en flèche après son coup d’éclat à la tribune des Nations unies, le 23 septembre.
"La libération de nombreux Palestiniens est, pour le Hamas, un moyen de se remettre en selle en obtenant du concret. Car si Abbas a connu un succès populaire à l’ONU, il n’a en définitive rien obtenu. Le Hamas va donc pouvoir se servir de cet accord comme d'une arme de propagande et capitaliser dessus", poursuit Alain Dieckhoff.
En Israël aussi, où Netanyahou fait face à une grogne sociale sans précédent depuis plusieurs mois, l'accord tombe à pic. Le retour de Gilad Shalit pourrait permettre au gouvernement de calmer une partie de l’opinion - un sondage pour l’édition papier du Maariv, en mai dernier, montrait que 58 % de la population se disait favorable à l’échange de centaines de prisonniers palestiniens contre le soldat Shalit.
"Le gouvernement de Benjamin Netanyahou sera reconnu à court terme comme celui qui aura su mettre en œuvre cet accord. On lui en donnera crédit, même s’il reste des incertitudes et que certains dissidents lui reprocheront toujours d’avoir trop concédé au Hamas", conclut Alain Dieckhoff.