Alors que la Corne de l’Afrique est frappée par l'une des plus graves sécheresses depuis 60 ans, l’ONU a déclaré deux régions du sud de la Somalie en état de famine. Les ONG appellent à une mobilisation internationale d'urgence.
L’ONU évalue à 350 000 le nombre de personnes frappées par la malnutrition dans les seules régions de Bakool et de Lower Shabelle, en Somalie, qu'elle a déclarées officiellement en état de famine. C’est ce qu’a annoncé, mercredi, depuis Nairobi, au Kenya, le coordinateur humanitaire des Nations unies pour la Somalie, Mark Bowden, précisant que plus de 10 000 autres personnes ont déjà péri sur l’ensemble du territoire.
Pour les organisations non gouvernementales (ONG) qui n’ont jamais quitté le terrain, cette déclaration de l'ONU vient appuyer le constat dressé depuis plusieurs mois par leurs travailleurs sur place.
itLors d’un point-presse depuis Nairobi, Jens Oppermann, chef de mission en Somalie pour Action contre la faim (ACF), s’est réjoui de cette prise de conscience : "cette déclaration de famine correspond à ce que nous constatons ici. Elle devrait permettre de débloquer les fonds nécessaires à la prise en charge d’un plus grand nombre de victimes."
Deux ONG françaises, le Secours populaire et le Secours catholique, en ont profité pour lancer des appels aux dons. Si le Secours catholique a déjà débloqué une aide de 300 000 euros pour soutenir des programmes d’urgence, les autres organisations humanitaires rencontrent des problèmes de financement.
"Nous avons soumis des demandes de financement depuis des mois, mais elles n’ont pas été entendues. Il est indispensable de se mobiliser sur le terrain. Il faut décupler les financements associés à cette crise", explique François Danel, directeur général d’ACF-France.
De leur côté, Save the Children, Oxfam et la Croix-Rouge estiment que plus de 150 millions de dollars sont nécessaires pour apporter une aide significative aux enfants frappés par la malnutrition.
L'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) demande, elle, 120 millions de dollars supplémentaires pour la Corne de l'Afrique, dont 70 millions réservés à la Somalie.
Les prix des denrées flambent
La grave sécheresse qui frappe la Corne de l’Afrique a provoqué, en Somalie, une crise alimentaire comparable à celle qu’avait connue le pays en 1992.
Ses conséquences sont multiples : flambée des prix des denrées, raréfaction des points d’accès à l’eau potable et paupérisation massive de la population, notamment des bergers dont le bétail, principale source de revenus, a été décimé ces dernières semaines.
Sur place, un sac de 50 kilos de maïs coûte désormais 20 euros à Wajid, dans la région de Bakool, et 40 euros à Mogadiscio, la capitale, contre 5 euros avant le début de la crise, rapporte ACF. À l’inverse, à la revente, les prix du bétail ont été divisés par six. Cette inflation a poussé des centaines de milliers de personnes à traverser le pays à la recherche d’aide. Des exodes massifs qui ont provoqué la mort de dizaines de milliers de migrants, épuisés et affamés, et ont contribué à étendre la crise aux pays voisins.
Selon ACF, l’évolution erratique des prix de l’alimentaire devrait se poursuivre jusqu’au mois de janvier 2012, date de la prochaine récolte.
La crise alimentaire qui frappe la Somalie est aggravée par l’instabilité politique dans le pays qui complique considérablement l’accès au territoire pour les agences onusiennes et les ONG non musulmanes.
À l’heure actuelle, seule une poignée d’organisations sont présentes sur place et leurs effectifs sont sporadiques. Et si certaines ONG ont pu conserver une présence après 2009, les agences onusiennes ont été priées de plier bagage dans les régions contrôlées par les Shebab.
Un système à rebâtir
Cependant, face à la gravité de la situation, l’insurrection islamiste a accepté un retour des agences humanitaires au début de juillet. "La déclaration de famine dans des régions de la Somalie par l'ONU est bienvenue et nous voudrions voir l'aide arriver jusqu'à la population", a déclaré, mercredi, un responsable des Shebab, sous couvert d'anonymat.
Mais les agences onusiennes savent que le défi est de taille. Plus de 3 millions de personnes sont touchées par cette crise humanitaire et tout le processus d’aide est à reconstruire dans le pays.
Une coopération entre les Nations unies et les ONG sur place pourrait constituer une solution d’urgence, pour endiguer la dégradation de la situation. C’est en tout cas le souhait formulé par ces ONG, qui mettent en avant leur expérience du terrain. "Nous avons des projets en cours en Somalie, notamment d’assainissement de l’eau. Nous entretenons de bonnes relations avec les acteurs sur place et nous disposons de l’appui de la population et des chefs traditionnels", détaille Thomas Gonnet, directeur des opérations d’ACF-France.
Sur un point, toutes les voix concordent : si rien n’est fait d’ici deux mois, la famine devrait s'étendre aux huit régions du sud de la Somalie.