Les trois jeunes suspectés d'être à l'origine de la fuite, sur Internet, d'un exercice du baccalauréat scientifique ont été mis en examen ce samedi à Paris. Contrairement à ce qu'avait requis le parquet, ils ont été laissés en liberté.
REUTERS - Trois jeunes gens d'une vingtaine d'années suspectés de la fuite sur internet d'un exercice du baccalauréat scientifique ont été mis en examen samedi à Paris et laissés en liberté contre l'avis du parquet, a-t-on appris de source judiciaire
L'affaire a relancé le débat sur cet examen sacro-saint, pierre angulaire du système scolaire français. Un seul des trois suspects s'est vu imposer un contrôle judiciaire léger, prévoyant l'interdiction de rencontrer les autres protagonistes, tandis que les deux autres n'ont aucune obligation.
Le juge d'instruction, indépendant par son statut, n'a jugé "ni utile ni nécessaire" de saisir le juge des libertés de la demande du parquet, qui entendait se montrer "très ferme". Ce dernier peut faire appel des remises en liberté mais la décision n'était pas prise samedi soir, a dit une porte-parole.
Le principal protagoniste, qui a pris avec son téléphone portable la photo de l'énoncé de l'exercice de probabilité, est mis en examen pour "fraude à un examen public et recel de violation du secret professionnel", a dit à Reuters son avocat Olivier Morice.
Les deux autres suspects poursuivis sont un jeune qui a reçu la photo sur son téléphone portable et un troisième homme qui l'a reçue de ce second protagoniste puis l'a mise en ligne en ligne sur le site internet jeuxvideo.com, lundi soir, veille de l'examen, sous un pseudonyme.
L'avocat du principal protagoniste Olivier Morice, qui conteste toute fraude organisée et parle de "blague de potache" avait auparavant jugé "hallucinant et disproportionné" le fait de vouloir envoyer les suspects en prison. Pour lui, le parquet, placé sous l'autorité du pouvoir exécutif, a cédé à la pression. "Ce n'est pas parce que les conséquences sont nationales et qu'il y a un problème entre le ministère et les parents d'élèves que ces jeunes doivent en payer les conséquences", avait-il dit à Reuters.
La "fraude aux examens" est à elle seule passible en théorie d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison et 9.000 euros d'amende.
Une imprimerie à l'origine
La police judiciaire, qui enquête sur plainte du ministère de l'Education, pense avoir reconstitué le scénario de la fuite. L'origine de la fuite est à rechercher dans une imprimerie, et la police recherche activement d'autres suspects qui auraient permis la photographie, dit-on de source proche du dossier.
Cette affaire a suscité de vifs débats sur le baccalauréat, symbole du système éducatif. L'Education nationale a décidé de ne pas noter l'exercice tout en validant l'épreuve de mathématiques, mais cette décision est contestée.
Plus largement, un débat se rouvre sur la pertinence du bac, qui concerne 654.000 élèves cette année au total, dont 165.000 dans la filière scientifique, concernée par la fraude. Des analystes et des titres de presse estiment que l'épisode sonne le glas symbolique du "bac".
Le ministre de l'Education Luc Chatel réfute cette idée et a décidé de ne pas faire noter cette partie du sujet, valant quatre points sur vingt. Il a maintenu toutefois la validité globale de l'épreuve de mathématiques, en modifiant le barème de notation - les autres exercices vaudront plus - ce qui est contesté, y compris devant les tribunaux, par des enseignants et des parents d'élèves, qui ont remis une pétition au gouvernement.
La sécurité du bac est une question récurrente et les téléphones portables sont déjà interdits dans les 4.737 centres d'examen cette année. La lourdeur de cette épreuve, avec quatre millions de copies corrigées, portant sur 4.880 sujets, l'expose à la fraude avec les nouvelles technologies.
Plusieurs spécialistes mettent en cause la place du baccalauréat, estimant qu'il devrait être remplacé au moins partiellement par un contrôle continu tout au long de l'année.