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Glencore rompt pour de bon avec l'héritage de son fondateur

Le géant suisse des matières premières, Glencore, débute son opération d’introduction en Bourse et compte en tirer près de 10 milliards d’euros. Derrière cette réussite économique, il y a l’histoire sulfureuse du fondateur du groupe, Marc Rich.

Depuis Baar, ville suisse de 20 000 habitants, le géant des matières premières Glencore pilote l’une des étapes les plus importantes de son histoire : son introduction boursière. Cette introduction, qui devrait être finalisée à la mi-mai, devrait permettre au groupe de lever entre 9 et 11 milliards d’euros. Glencore réussirait ainsi la troisième plus importante introduction en bourse de l'histoire pour une société européenne (après celles de l'allemand Deutsche Telekom, en 1996, et de l'italien Enel, en 1999).

La société, qui acquiert ainsi ses lettres de noblesse sur les marchés financiers, tourne définitivement la page de ses premières années, sous la houlette du sulfureux homme d'affaire belge Marc Rich. Nul doute que ce dernier est à l’origine de la réussite de Glencore. Nul doute aussi que ses dirigeants ne regrettent pas le départ, en 1993, d’un homme qui figura un temps sur la liste des dix personnes les plus recherchées par le FBI.

Lorsque en 1974 Marc Rich fonde, à l'âge de 40 ans, sa société de négoce en matières premières - Marc Rich + Co -, il a déjà la réputation d'un trader de génie. Pendant l’embargo sur le pétrole décidé par les États du Golfe en 1973, il se joue à lui tout seul – ou presque –, de l’Opep. Ce Belge réussit alors à acheter du pétrole en Irak et Iran pour le revendre deux fois plus cher aux États-Unis.

Paranoïaque et traqué par le FBI

Au début des années 1980, Marc Rich réussit à mettre la main sur 40 % du marché de l’aluminium mondial et "croque" aussi une grosse part du marché de l’argent. Marc Rich vend aussi, pendant des années, du pétrole à l’Afrique du Sud - alors que le pays est sur la liste noire du commerce mondial en raison de l’apartheid. C'est à grand renfort de ce type de coups, pas toujours légaux, que Marc Rich fait de sa société l’un des principaux acteurs des marchés des matières premières. Ses méthodes lui vaudront de solides inimités.

Mais son crime, du moins aux yeux de Washington, est d’acheter des millions de barils de pétrole à l’Iran en pleine crise des otages américains, en 1979. Un fait d’arme qui lui vaudra d’être poursuivi par les autorités américaines, en 1983, pour violation de l’embargo et évasion fiscale. Marc Rich refuse de comparaître et devient alors traqué par le FBI, qui le considère comme l’un des dix criminels les plus recherchés au monde.

Il continue de diriger sa société depuis le canton de Zoug, paradis fiscal suisse, mais aurait vécu à partir de ce moment dans un état de paranoïa permanent, selon Daniel Ammann, un journaliste qui lui a consacré une biographie baptisée "Le Roi du pétrole", sortie en novembre 2010.

Les rumeurs les plus folles commencent alors à circuler sur son mode de vie, comme le rapporte le quotidien The Observer, en mai 2001. Il aurait ainsi faire construire un tunnel sous ses bureaux pour éviter de se faire assassiner en se rendant à son restaurant favori. Par ailleurs, Marc Rich ne se déplacerait jamais sans une douzaine de gardes du corps - tous des ex du Mossad.

Le coup de (la) grâce présidentielle

Un train de vie usant. En 1993, il finit par faire une mauvaise opération qui lui fait perdre des centaines de millions de dollars. Marc Rich est alors obligé de revendre ses parts dans Marc Rich + Co à ses co-actionnaires, qui le poussent vers la sortie.

Il semble alors se retirer des affaires et consacre une partie de sa fortune, estimée par Forbes à 800 millions de dollars, à des œuvres caritatives et culturelles. Mais le FBI ne l’oublie pas pour autant. Du moins, jusqu’à la fin du mandat de Bill Clinton en 2001. Alors qu’il ne lui reste plus que quelques heures à la Maison Blanche, il lui accorde son pardon à la surprise générale. Il expliquera par la suite avoir reçu plusieurs demandes de grâce de personnes influentes, dont une du Premier ministre israélien Ehud Barak.