
Selon la Croix-Rouge, 800 personnes ont été tuées lors d'exactions perpétrées mardi à Duékoué (Ouest). De leur côté, les pro-Ouattara affirment avoir découvert dans cette même région des charniers de victimes des forces loyales à Laurent Gbagbo.
Difficile d'avoir une idée précise du bilan humain de ce qui est devenu, ces derniers jours, la guerre civile ivoirienne. Samedi, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a néanmoins publié un chiffre alarmant : au moins 800 personnes auraient trouvé la mort, mardi, dans des violences commises à Duékoué. Cette ville de l’Ouest se situe sur l’axe de l’offensive armée qui a mené les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) alliées à Alassane Ouattara, le président reconnu par la communauté internationale, jusqu’à la capitale économique, Abidjan.
"L’évènement est particulièrement choquant par son ampleur et sa brutalité, commente sur FRANCE 24 Dorothée Krimitsas, porte-parole du CICR. Nous sommes à présent très inquiets de voir ce genre de choses se reproduire."
it
Pour sa part, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a confirmé "l'existence de massacres dans la ville de Duékoué, à l'ouest du pays, où depuis le second tour de l'élection présidentielle plus de 800 personnes ont été exécutées." Et l'organisation d'ajouter : "Des témoignages confirment des exécutions ciblées d'individus, notamment d'éthnie Guéré, le 29 mars 2011 dans le quartier Carrefour."
L'ONG catholique Caritas a évoqué samedi un bilan semblable selon lequel "un millier de personnes" auraient été tuées ou auraient disparues lors de l'offensive des forces pro-Ouattara sur Duékoué.
Aujourd’hui, personne n'est en mesure d'identifier les responsables de ces massacres, qui pourraient être aussi bien attribués aux troupes pro-Ouattara durant la prise de la ville qu'aux forces fidèles au président sortant, Laurent Gbagbo, avant leur fuite.
L'Onuci accable les deux camps
Ce samedi toujours, les Nations unies ont livré leur version des faits : "Plus de 100 personnes ont été tuées par les mercenaires pro-Gbagbo avant la prise de la ville", a déclaré à l'AFP Guillaume N'Gefa, chef adjoint de la Division des droits de l'Homme de la force de maintien de la paix en Côte d'Ivoire (Onuci).
"Avant la prise de la ville", mardi, par les pro-Ouattara, "ce sont les miliciens et mercenaires qui se sont attaqués aux populations du Nord", "les Dioulas [grand groupe ethnique du Nord ivoirien, majoritairement musulman] et les ressortissants d'Afrique de l'Ouest", a-t-il indiqué.
Selon Guillaume N'Gefa, 330 personnes ont ensuite été tuées par des éléments des forces pro-Ouattara lors de combats. Pour l'Onuci, la "plupart des victimes ont été exécutées par les "dozos" (chasseurs tradionnels du Nord)", qui se sont ralliés au camp Ouattara.
Offensive médiatique
Sous le feu des critiques, le camp du président élu s'est défendu par la voix d'un porte-parole des forces pro-Ouattara, dimanche, qui a affirmé que les chasseurs traditionnels étaient des "sympatisants de Ouattara, pas des membres des FRCI".
Samedi, peu après la publication des chiffres du CICR, le gouvernement Ouattara avait riposté aux accusations en affirmant qu'il avait de son côté découvert "de nombreux charniers, notamment à Toulépleu, Bloléquin et Guiglo [dans l'ouest du pays], dont les auteurs ne sont autres que les forces loyales, les mercenaires et les milices de M. Laurent Gbagbo".
Sur le plateau de FRANCE 24, Claude Koulou, conseiller politique de Laurent Gbagbo, a démenti avec virulence ces déclarations. "Ce sont les rebelles qui se livrent à une épuration. Quand ces villes étaient sous contrôle des forces de Gbagbo, il n’y avait pas ces charniers", a-t-il affirmé.
it
De son côté, le camp Ouattara jure que ses hommes ne commettent pas de violences abusives. "Il n’est pas question de tirer ni sur les soldats, ni sur la police, ni sur les populations civiles", affirme à FRANCE 24 Joël-Célestin Tchétché, porte-parole en France du Rassemblement des houphouéistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition pro-Ouattara). "Seulement, Laurent Gbagbo a des mercenaires qui nous obligent à dégainer", admet-il.
it
.
Le gouvernement Ouattara a également rejeté "fermement" les accusations de l'ONU selon lesquelles de "graves violations des droits de l'Homme" ont été commises par les FRCI. Selon les Nations unies, la majorité de ces exactions auraient été menées dans l’ouest du pays, aux alentours de Daloa et de Guiglo, aux endroits même où se trouveraient des charniers de victimes des forces pro-Gbagbo.