
Les forces loyales à Mouammar Kadhafi se sont lancées à l'assaut d'Ajdabiah, dernier verrou tenu par les insurgés avant leur bastion de Benghazi. À Paris, le G8 n'a pas réussi à s'accorder sur la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne.
REUTERS - Les forces libyennes ont lancé mardi de nouveaux raids aériens sur la ville d'Ajdabiah, considérée comme le dernier verrou avant le fief insurgé de Benghazi, qui réclame en vain depuis des jours une intervention internationale.
A Paris, les chefs de la diplomatie du G8 réunis depuis lundi pour un sommet consacré à la crise libyenne menacent Mouammar Kadhafi de "sévères conséquences" s'il viole les droits des Libyens. Mais leur projet de communiqué final ne mentionne pas l'idée d'une zone d'exclusion aérienne, défendue en vain par la France et la Grande-Bretagne.
Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a déploré l'absence d'intervention militaire en Libye et estimé que la communauté internationale avait "peut-être laissé passer une chance de rétablir la balance" entre insurgés et kadhafistes.
Dans une interview accordée au quotidien italien Il Giornale, Mouammar Kadhafi se dit certain de l'emporter contre l'insurrection et "choqué et trahi" par ses anciens amis européens, qu'il menace de mesures de rétorsion.
Carrefour stratégique
Les rebelles s'accrochent pour freiner la progression des forces fidèles à Mouammar Kadhafi, qui les ont repoussés de 160 km en une semaine.
Les troupes gouvernementales appliquent avec constance la même tactique pour reprendre les villes tenues par les rebelles. Aux raids aériens succèdent les tirs d'artillerie, avant l'entrée en scène des troupes au sol.
Ajdabiah a été la cible de raids dès dimanche. Important carrefour stratégique, la ville mène à Benghazi, la capitale de la Cyrénaïque où siège le Conseil national de transition mis en place par les rebelles, mais aussi directement vers Tobrouk, plus à l'est. Un mouvement en tenaille suivant ces deux axes permettrait aux forces loyalistes d'encercler Benghazi.
Le gouvernement libyen a dit mardi qu'il contrôlait de nouveau tous les terminaux pétroliers du pays à l'exception de Tobrouk. Il avait annoncé ces derniers jours la reconquête des terminaux de Ras Lanouf et Brega, à l'ouest d'Ajdabiah.
Des insurgés disent que les combats se poursuivent à Brega. "La situation est très évolutive. Aucun camp ne contrôle le terrain", a dit un rebelle à Ajdabiah, peu après être revenu de Brega, situé à 75 km de là.
Selon la chaîne de télévision Al Djazira, des unités d'élite commandées par deux fils de Kadhafi, Khamis et Saadi, s'approchent de cette localité de 4.300 habitants.
A l'autre bout du pays, près de la frontière tunisienne, les kadhafistes ont repris lundi Zouara, une des dernières localités que les rebelles tenaient dans l'ouest du pays.
L'Allemagne sceptique
À Paris, les chefs de la diplomatie du G8 - Etats-Unis, Canada, Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, France, Italie et Russie - ont exhorté mardi le Conseil de sécurité de l'Onu à accroître la pression sur Kadhafi, via des mesures économiques notamment, mais un paragraphe de leur communiqué réclamant la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne a été retiré.
A l'issue d'un dîner lundi soir, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, n'avait pas caché son scepticisme quant à la mise en place d'une telle zone, que la Russie a pour sa part jugée inefficace et contre-productive.
L'idée d'une zone d'exclusion aérienne, appuyée ce week-end par la Ligue arabe, a aussi été débattue au Conseil de sécurité à New York mais aucun consensus ne s'est dessiné.
"Il faut répondre à des questions fondamentales, pas seulement sur ce qu'il faut faire, mais comment le faire", a déclaré le représentant de la Russie à l'Onu, Vitali Tchourkine.
A Genève, le président de la Ligue libyenne pour les droits de l'homme, Soliman Bouchuiguir, a prédit un "vrai bain de sang, un massacre semblable à ceux du Rwanda" si les forces gouvernementales venaient à lancer une offensive sur Benghazi, la deuxième ville du pays forte de 670.000 habitants.