Le procès de l'ex-président libérien Charles Taylor - qui risque la prison à vie - par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone s'est achevé ce vendredi à La Haye. Le verdict n'est pas attendu avant l'été. Retour sur trois années de procédure.
Plus de trois ans après son ouverture, le procès de l'ancien président libérien Charles Taylor s'achève ce vendredi. Un dernier temps de parole a été accordé à l'accusation et à la défense à La Haye, aux Pays-Bas, dans les locaux du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). À 63 ans, Charles Taylor, qui dirigea le Liberia entre 1997 et son départ en exil en 2003, est le premier ex-chef d'État africain à comparaître devant la justice internationale. Il a plaidé non coupable pour tous les chefs d'accusation qui pèsent sur lui.
FRANCE 24 revient sur les circonstances et les moments forts de ce procès.
- Les charges
L'accusation affirme que Charles Taylor a pillé les mines de diamants de la Sierra Leone, pays voisin du Liberia, et qu'il en a subverti le gouvernement afin d'accroître son pouvoir dans la région. Charles Taylor est plus spécifiquement accusé d’avoir armé les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) et de les avoir incité à mener une campagne de terreur contre les civils sierra-léonais. La guerre civile en Sierra Leone a fait plus de 120 000 morts entre 1991 et 2001.
Les 11 chefs d'accusation retenus contre Charles Taylor incluent ceux de meurtres, de viols, de démembrements de victimes, d'enrôlement d'enfants soldats et d'esclavage sexuel. Selon l'accusation, Charles Taylor était motivé par "une insatiable cupidité et soif de pouvoir".
En juin 2006, le procès avait été transféré à La Haye pour éviter qu'il ne déstabilise la Sierra Leone ou le Liberia. Si Charles Taylor est condamné, il risque la prison à vie et purgera sa peine en Grande-Bretagne.
- Le procès
L'accusation a appelé à la barre 91 témoins avant sa dernière plaidoirie, le 27 février 2009. Un grand nombre d'entre eux ont livré de déchirants témoignages sur les violences perpétrées par les combattants de Charles Taylor : ils ont parlé d’actes de cannibalisme, d'intestins humains répandus dans les rues ou encore de fœtus arrachés aux utérus de femmes...
Depuis, la défense a affirmé qu'il n'y avait aucune preuve concrète du fait que Charles Taylor ait été à l'origine de ces violences en Sierra Leone et a appelé la Cour à l'acquitter. En juillet 2009, l'ancien président libérien s'est exprimé à la barre, estimant que la plaidoirie de l'accusation était discréditée par des mensonges et des erreurs factuelles.
L'un des témoins clés du procès a été le mannequin Naomi Campbell, qui a reconnu avoir accepté un "diamant du sang" (diamant provenant d'une mine située dans une région en proie à un conflit armé, dont la vente est destinée à financer l'achat de matériel de guerre) de la part de Charles Taylor lors d'un dîner en Afrique du Sud, en 1997. La star a nié avoir eu connaissance de la provenance de ce diamant. Son témoignage a toutefois été contredit par un autre témoin, l'actrice américaine Mia Farrow, qui a affirmé avoir entendu Naomi Campbell parler d'un "énorme diamant" offert par Charles Taylor.
En janvier, la défense de Charles Taylor a également affirmé que les câbles diplomatiques américains publiés par le site WikiLeaks soulevaient des questions quant à "l'indépendance et à l'impartialité" de l'accusation. Un argument réfuté par la Cour.
- "Une forme de néocolonialisme du 21e siècle"
L'un des principaux arguments de la défense est que le procès est effectivement biaisé politiquement et que les accusations ne sont fondées que sur des suppositions et des rumeurs."Si cet acte d'accusation est considéré de façon indépendante, raisonnable, sans passion, alors il ne peut y avoir qu'un seul verdict, celui de la non culpabilité", a affirmé mercredi l'un des avocats de l'ancien dirigeant libérien, Courtenay Griffiths, aux juges du TSSL. "Un procès pénal n'est pas un concours de beauté, nous ne demandons pas à cette cour d'aimer Charles Taylor", a-t-il ajouté.
Pour Courtenay Griffiths, ce procès est une "forme de néocolonialisme du 21e siècle". "Pourquoi le colonel Mouammar Kadhafi n'est-il pas dans le box des accusés ?, s'est-il interrogé. Qu'en est-il de Blaise Compaoré ?" Les dirigeants libyen et burkinabè ont eux aussi soutenu le RUF.
Bien qu'il ait boycotté certaines audiences, Charles Taylor était présent mercredi à La Haye. Après la fin du procès ce vendredi, les juges vont se retirer pour délibérer. Leur verdict est attendu dans 4 à 6 mois.