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Nicolas Sarkozy tente de désamorcer la fronde judiciaire

Confronté à une fronde des magistrats, le président français a annoncé, jeudi, sur TF1, l'ouverture d'une concertation avec le corps judiciaire. Le chef de l'État réfute toutefois l'idée que les crédits alloués à la justice sont insuffisants.

REUTERS - Les magistrats ont manifesté massivement jeudi dans toute la France pour protester contre les accusations de laxisme lancées par Nicolas Sarkozy à leur encontre et réclamer plus de moyens pour la justice.

Le président a répondu sur TF1 dans la soirée en tempérant ses accusations et en annonçant l’ouverture d’une concertation. Mais il conteste tout problème de moyens de la justice et insiste sur deux nouvelles réformes de procédure contestées.

Cent-soixante-dix juridictions sur les 193 que compte le pays ont pratiqué jeudi la grève des audiences selon les syndicats, un mouvement entamé il y a une semaine qui s’est transformé en un bras de fer sans précédent par son ampleur.

Des milliers de magistrats, avocats, fonctionnaires, policiers, greffiers, agents de probation se sont rassemblés devant les palais de justice dans toute la France pour demander une remise à niveau du 37e budget européen de la justice.

Saluant une "mobilisation historique", le Syndicat de la magistrature (SM) a indiqué que les syndicats se réuniraient vendredi pour décider des suites à donner au mouvement.

Le président de la République avait mis le feu aux poudres la semaine dernière en accusant magistrats et policiers de « fautes » dans le suivi d’un repris de justice, Tony Meilhon, suspecté d’avoir tué près de Nantes Laëtitia Perrais, 18 ans.

Les sanctions deviennent hypothétiques

Nicolas Sarkozy avait jugé alors des fautes avérées et promis des « sanctions », sans attendre le résultat des inspections sur les responsabilités dans ce dysfonctionnement.

Sur TF1, il a fortement relativisé ces déclarations. « Je confirme, s’il y a eu dysfonctionnement, il y aura responsabilité », a-t-il dit, dans la perspective de la remise de rapports d’enquêtes administratives lundi prochain.

Il a cependant contesté tout problème budgétaire, évoquant de récentes augmentations de crédits budgétaires. « Ce n’est pas un problème d’effectifs », a-t-il estimé.

Le ministre de la Justice Michel Mercier est cependant prié d’ouvrir une concertation dès vendredi avec les magistrats.

Le président tient à l’introduction d’ici l’été de jurés populaires en correctionnelle, estimant que « la sanction judiciaire ne suscite pas la crainte suffisante pour les délinquants multirécidivistes ».

Il est question aussi de durcir la justice des mineurs, les tribunaux pour enfants n’étant pas adaptés selon lui.

Les premières réactions des syndicats de magistrats sont négatives. « Il nie les vrais problèmes, et il n’a pas compris à quoi était due la colère. Ce n’est pas acceptable », a dit à Reuters Virginie Valton, de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Nouveaux propos contestés sur Meilhon

Le chef de l’Etat a par ailleurs de nouveau tenu des propos contestés par l’USM sur le suspect Tony Meilhon, sorti de prison en février 2010 après avoir purgé en intégralité et durant onze ans des peines pour plusieurs délits.

Il devait respecter une « mise à l’épreuve » mais ce suivi n’a pas été mis en oeuvre faute d’effectifs, comme pour plus de 800 autres détenus en Loire-Atlantique.

Sur TF1, Nicolas Sarkozy, qui avait déjà parlé de « présumé coupable », a évoqué « cette jeune Laëtitia violée par un récidiviste, assassinée par un récidiviste, découpée en morceaux par un récidiviste » avant d’ajouter : « si c’est bien lui ».

Or, Tony Meilhon, présumé innocent sur tous les faits, n’est pas mis en examen pour le viol de Laëtitia, souligne l’USM.

S’il était coupable, il ne serait pas un pervers sexuel récidiviste car il a été condamné pour des délits et un crime sur un co-détenu.

Nicolas Sarkozy a par ailleurs affirmé qu’il faisait l’objet de plaintes pour « tentative de meurtre et viol », alors que Tony Meilhon est visé par son ex-compagne pour des violences. Il a dit qu’il n’avait pas été recherché, ce qui n’est pas établi.

Le président intervenait après une journée qui a vu quelques 5.000 personnes, dont beaucoup de magistrats en robe noire ou rouge, manifester à Nantes et près de 1.000 magistrats, agents de probation, fonctionnaires pénitentiaires, greffiers et policiers à Paris.

La Cour de cassation, plus haute juridiction du pays, a protesté dans un communiqué, une première.