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Les Églises, des acteurs de poids de la campagne pour la présidentielle

Au Brésil, plus grand pays catholique du monde, les Églises catholique et évangélique sont largement intervenues dans la campagne électorale. Elles ont notamment recommandé de choisir les candidats opposés à la légalisation de l'avortement.

AFP - La religion a été propulsée au coeur de la campagne électorale brésilienne par les Eglises catholique et évangéliques, divisant le pays et contraignant les deux candidats à la présidence à se déclarer contre l'avortement et le mariage des homosexuels.

Dans le plus grand pays catholique du monde, les évêques ont recommandé de choisir des candidats "engagés en faveur du respect inconditionnel de la vie".

Le plus virulent, l'évêque de Guarulhos (Sao Paulo), a diffusé un manifeste anti-Dilma Rousseff, la dauphine du président sortant Luiz Inacio Lula da Silva, la présentant comme la "candidate de la mort".

Jeudi, en recevant au Vatican des évêques du la région nord-est du Brésil, le pape Benoît XVI a encouragé l'engagement des prêtres "même en politique" quand "les projets politiques envisagent, ouvertement ou de façon dissimulée, de décriminaliser l'avortement ou l'euthanasie".

Mais au sein même de l'Eglise catholique brésilienne, des positions très divergentes s'expriment, illustrant la diversité des 140 millions de fidèles.

"J'ai été très surpris par la réapparition de l'avortement dans la campagne. Ils (l'opposition, ndlr) y ont introduit un virus opportuniste pour détourner le débat des vrais enjeux", a affirmé à l'AFP Frei Betto, un moine dominicain lié à la Théologie de la Libération, un courant chrétien de défense des pauvres très actif dans les années 70 en Amérique latine.

Le Brésil est la huitième économie mondiale mais reste encore l'un des pays les plus inégalitaires du monde avec une grande concentration de richesses, de revenus et de terres aux mains d'un tout petit nombre.

Mais la campagne du second tour entre Mme Rousseff et son rival social-démocrate José Serra, soutenu par la droite, s'est polarisée sur des rumeurs, alimentant des thèmes émotionnels comme les valeurs familiales et religieuses.

Sur internet comme dans de nombreux temples évangélistes ou églises, Dilma Rousseff a été diabolisée pour sa position favorable à la légalisation de l'avortement.

Des messages appelaient à "brûler une sorcière le 31 octobre", date du second tour qui coïncide avec Halloween, considéré au Brésil comme la fête des sorcières.

Au premier tour, Mme Rousseff a perdu de nombreuses voix en faveur de l'écologiste et fervente évangéliste Marina Silva.

Signe de la division des chrétiens brésiliens, Mme Rousseff, qui devance M. Serra de plus de dix points pour le second tour, a toutefois le soutien de 54% des catholiques, selon les sondages.

M. Serra, qui a introduit la "pilule du lendemain" au Brésil en 1998 quand il était ministre de la Santé, s'est proclamé "en faveur de la vie", allant jusqu'à distribuer des tracts selon lesquels "Seul Jésus est Vérité".

Mme Rousseff, candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche), s'est quant à elle engagée auprès des leaders religieux "à ne pas changer la législation actuelle", qui n'autorise l'interruption de grossesse qu'en cas de danger pour la vie de la mère ou après un viol.

"Les deux candidats ont fait marche arrière sur la question (de l'avortement) pour ne pas alimenter la polémique et se sont posés comme étant très religieux", a déploré Frei Betto.

Cette surenchère a aussi été critiquée par le sociologue Helio Jaguaribe, proche des sociaux-démocrates, qui a déclaré à l'AFP être "absolument contre l'entrée de la religion dans le débat public".

Il a qualifié "d'artifice politique déplorable" l'utilisation dans la campagne du "fanatisme" de certains chrétiens sur l'avortement ou le mariage des homosexuels.