
Sous couvert de la lutte contre le piratage informatique, les autorités russes n'hésiteraient pas à saisir le matériel informatique d'associations ayant eu le tort de s'opposer un peu trop bruyamment au Kremlin.
Microsoft serait-il devenu la dernière arme à la mode des autorités russes pour faire taire les critiques portées à leur encontre ? Les organisations de défense des droits de l’Homme s’inquiètent de plus en plus de l’utilisation des lois contre le piratage à des fins politiques.
"Le schéma est simple : la police effectue des descentes chez les associations ou les opposants pour y confisquer du matériel informatique en arguant que des copies pirates de logiciels Microsoft sont utilisés", raconte Lyudmila Alexeyeva, présidente du Moscow Helsinki Group, une organisation russe de défense des droits de l’Homme. Le procédé peut s’avérer redoutable : la loi russe prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement en cas de piratage. Selon les ONG, ce stratagème aurait été fréquemment utilisé par le passé pour faire chanter les petites entreprises. Aujourd'hui, le Kremlin y aurait recours pour baîlloner les voix discordantes.
"Angle d'attaque efficace"
Depuis le début de l’année, deux cas ont particulièrement défrayé la chronique en Russie. En janvier, Anastasia Denisova, responsable de l’ONG Ethnics, qui lutte contre le racisme, a été traînée en justice pour piratage. Elle a finalement été blanchie en avril, faute de preuves. Entre-temps, une association pour l’environnement, Baikal Environmental Wave, a vu tout son matériel saisi et son site Internet fermé pour les mêmes chefs d'accusation. Le groupe organisait des manifestations contre la décision de la présidence russe de rouvrir une ancienne usine de papier.
"On peut difficilement savoir à quelle échelle le pouvoir utilise cette technique car les gens ont peur d’en parler, mais nous avons eu vent d’une dizaine d’autres cas, explique Dmitri Markarov, responsable de l’association Youth Human Right Organization, pour qui cet angle d’attaque se révèle particulièrement efficace. Le piratage est très répandu en Russie et ce sont les États-Unis qui ont demandé à Moscou d’être plus sévère avec les pirates."
Corruption
De son côté, Microsoft a longtemps gardé le silence sur le zèle du Kremlin. Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme reprochent au géant américain au mieux de ne pas réagir, au pire d’être complice des autorités russes. Sur son site, Anastasia Denisova se souvient encore de la "virulence de l’avocat de Microsoft" à son égard. En avril, le numéro un du logiciel a finalement répondu qu’il "n’était pas à l’origine des poursuites et avait pour principe de défendre les droits de l’Homme".
Une réponse insuffisante aux yeux de Lyudmila Alexeyeva. "Ce que nous voulons, c’est que le siège américain contrôle mieux ces représentants dans le pays". En Russie, Microsoft est représenté par un conseiller juridique qui, lui-même, délègue ses pouvoirs au niveau régional. "Avec la corruption qui règne ici, les représentants de Microsoft doivent eux-mêmes subir des pressions ou des incitations", estime Dmitri Markarov.
Début septembre, Microsoft a finalement précisé au "New York Times" qu’un contrôle des ses activités en Russie allait être effectué.