Le ministre de l'Immigration et le secrétaire d'État aux Affaires européennes vont rencontrer plusieurs ministres roumains pour les convaincre du bien-fondé de leur politique vis-à-vis des Roms, qui agace Bucarest.
AFP - La France, qui veut poursuivre les expulsions de Roms malgré les critiques dans l'Hexagone et à l'étranger, dépêche jeudi ses ministres Eric Besson et Pierre Lellouche en Roumanie pour tenter d'expliquer aux dirigeants de ce pays une politique qui les agace.
"Gens du voyage" est l'appellation administrative, établie à la fin des années 1970, qui désigne les communautés nomades de France, ceux "dont la profession et les occupations nécessitent un déplacement continuel en caravane pendant la majeure partie de l'année". Ils possèdent la nationalité française.
Les "Roms" ou "Tsiganes", sont, à l'origine, un peuple nomade venu d'Inde, aujourd'hui très majoritairement sédentarisé. En France, le terme "Roms" désigne des nomades d'origine essentiellement roumaine ou bulgare. Ils bénéficient de la liberté de circulation mais n'entrent pas dans la catégorie juridique française des "gens du voyage".
Les Roms sont appelés différemment selon les zones géographiques. On parle de "gitans" en Camargue, dans le sud de la France, comme en Espagne. En Italie ou dans les pays germanophones, en revanche, on parle de "manouches".
Le ministre de l'Immigration et le Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes doivent être reçus par le Premier ministre roumain, Emil Boc, le ministre de l'Intérieur, Vasile Blaga, et le ministre des Affaires étrangères Teodor Baconschi.
En croisade contre l'immigration irrégulière et contre la délinquance, le président et le gouvernement français ont durci les mesures contre les Roms, démantelant des dizaines de camps et, moyennant une aide financière, renvoyant des centaines d'entre eux vers leurs pays d'origine, essentiellement la Roumanie.
"Nous n'avons pas suspendu les reconduites", a répondu mercredi M. Besson à l'Assemblée nationale se demandant: "Pourquoi le ferions-nous"?
Tout se déroule dans le cadre des lois de la République et des règles européennes, s'est justifié ces dernières semaines le gouvernement, invoquant une très forte hausse de la délinquance perpétrée par des Roumains.
La France plaide également pour une meilleure intégration économique et sociale des Roms dans leurs pays, avec le soutien de l'Union européenne (UE) dont ils sont citoyens.
Mais Paris semble avoir du mal à convaincre et Bucarest a exprimé son agacement. "Ce n'est pas une solution", a tranché le ministre roumain des Affaires étrangères, Teodor Baconschi, à propos du renvoi des Roms.
La Roumanie conteste également la menace sécuritaire invoquée par la France. "L'argument d'une atteinte à la sécurité publique n'est pas valide", a jugé Bogdan Aurescu, numéro deux de la diplomatie, lors d'une rencontre avec les commissaires européennes chargées de la Justice et des Affaires intérieures, Viviane Reding et Cecilia Malmström.
Cet Etat membre de l'UE depuis 2007 doute aussi du caractère "volontaire" du retour des Roms: il a demandé à la Commission européenne de vérifier les affirmations françaises à ce sujet "compte tenu des circonstances entourant les évacuations successives des campements, jusqu'à ce que les personnes en question soient obligées d'accepter l'offre de retourner dans leur pays en échange d'une somme d'argent".
La plupart des Roms sont originaires de Roumanie et de Bulgarie, deux pays membres de l’Union européenne (UE) depuis 2007. Ils peuvent donc circuler librement dans les pays de l'UE, mais sont soumis à des restrictions "transitoires". Ils doivent notamment demander une autorisation pour travailler en France.
Comme tous les Européens, les Roms sont soumis à une obligation de ressources s'ils désirent rester en France au-delà de trois mois. Ils peuvent également être expulsés à tout moment s'ils sont reconnus coupables de troubles à l’ordre public.
Avant leur visite jeudi à Bucarest, MM. Besson et Lellouche s'étaient rendus le 31 août à Bruxelles pour y défendre leur politique.
Sans jamais critiquer explicitement les mesures françaises contre les Roms, la Commission a invité Paris à respecter les règles européennes sur la liberté de circulation et la liberté d'établissement dans l'Union. Elle a réclamé des informations détaillées "pour établir si les reconductions de Roms vers la Roumanie sont conformes ou non au droit européen".
Malgré ces avertissements et les critiques d'experts de l'Organisation des Nations unies, du Vatican, de l'OSCE ou au Parlement européen, la France n'a pas montré de signe d'inflexion.
M. Besson a même annoncé un projet d'amendement à la loi permettant de reconduire aux frontières des étrangers en cas de "menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive". Ce projet vise les Roms, dénoncent des organisations non-gouvernementales, même si M. Besson se contente de parler de "ressortissants roumains ou bulgares". Plus de 8.300 Roms ont été renvoyés entre le 1er janvier et la fin août.
Le ministre a aussi évoqué une adaptation de la législation "pour lutter contre l'abus de droit au court séjour", alors que l'UE garantit un droit de libre circulation dans l'Union pour les ressortissants de ses Etats membres.