
Les autorités cubaines ont annoncé, mercredi, la libération prochaine de 52 prisonniers politiques, dont cinq ce jeudi. Il s’agirait de l'une des plus importantes libérations de détenus politiques depuis l’accession au pouvoir de Raul Castro en 2008.
L’annonce a été faite au cours d’une rencontre entre le président Raul Castro, le cardinal Jaime Ortega, "médiateur" dans ce dossier, et le ministre des Affaires étrangères espagnol Miguel Angel Moratinos.
Considérés comme des "prisonniers de conscience" par Amnesty International, ils avaient été arrêtés lors de la vague de répression de 2003. "Un groupe était malade, c’est probablement la raison", affirme Jean Ortiz, maître de conférences à l’université de Pau, spécialiste de l’Amérique latine et de Cuba.
Un médiateur venu de l’intérieur
"Il s’agit d’un processus de négociation, de médiation avec l’Eglise catholique cubaine, qui s’est déroulé sans véritable ingérence extérieure", explique-t-il. L’affaire s’est donc réglée entre Cubains, explique le spécialiste, selon lequel le rôle du gouvernement espagnol a été secondaire.
L’Eglise catholique cubaine n’a pas toujours entretenu de bons rapports avec le pouvoir. Avec la révolution, les relations avec l’Eglise se sont tendues, les catholiques étaient minoritaires et les prêtres espagnols, issus du franquisme. "Puis en 1998, il y a eu la visite du pape à Cuba", rappelle Jean Ortiz. "Là, une rencontre entre deux hommes, Fidel Castro et Jean-Paul II s’est produite. Ils se sont respectés et estimés et il y a eu un tournant. Par la suite, la crise économique a contribué à renforcer l’Eglise catholique. Aujourd’hui la relation est décrispée et à mon avis, l’Eglise a un rôle à jouer dans la réconciliation", analyse-t-il.
Dans la foulée de l’annonce, le cardinal Ortega a dépêché un émissaire à l'hôpital de Santa Clara (centre) pour convaincre l'opposant Guillermo Farinas de cesser sa grève de la faim. Il l’avait entamée en février au lendemain de la mort du prisonnier de conscience Orlando Zapata lui-même décédé suite à une grève de la faim. Son porte-parole a fait savoir que ce dernier ignorait s’il faisait partie des cinq premiers prisonniers libérés.
Vers un assouplissement de la "position commune" européenne
Jean Ortiz voit néanmoins dans ce signe d’assouplissement du régime cubain, l’empreinte espagnole. "Le ministre des Affaires étrangères Moratinos, a entrepris, sans ingérence, de normaliser les relations entre Madrid et La Havane et s’est prononcé contre la "position commune" de l’Union européenne envers Cuba", rappelle-t-il. Depuis 1996 en effet, le dialogue entre l'UE et Cuba est conditionné au respect des droits de l'Homme et aux progrès de la démocratie sur l'île. L’UE s’est cependant félicitée de l’annonce de ces libérations et a rappelé qu’elle doit revoir sa position à l'égard de Cuba en septembre. L’île communiste est sous embargo américain depuis 1962.