
La proposition d’interdire le commerce international du thon rouge de l’Atlantique-Est et de Méditerrannée a échoué, jeudi, à Doha. Membre de Greenpeace, François Chartier s'interroge sur le rôle de l'Union européenne dans cet échec.
La proposition d’interdire le commerce international du thon rouge pêché dans l’Atlantique-Est et en Méditerranée s’est heurtée, jeudi, au rejet de 72 pays participant à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), dont l'Australie et le Japon.
Les autorités japonaises, qui importent environ 80 % des prises de thon rouge mondiales, ont bataillé pour obtenir le rejet du texte déposé par Monaco qui était destiné à protéger cette espèce dont les stocks ont chuté de plus de 80 % depuis 1970.
FRANCE 24 a interviewé François Chartier, chargé de la campagne océan pour Greenpeace France. Décryptage du vote et de ses enjeux.
France24.com : Quelle est votre réaction à la suite de ce vote ? Êtes-vous surpris par son résultat ?
François Chartier : Nous sommes surpris par l’ampleur du vote. Nous ne nous attendions pas à un tel échec. Nous espérions que le ralliement de l’Union européenne et des États-Unis aurait plus d’impact. Cela n’a malheureusement pas été le cas. La virulence du lobbying japonais a été plus forte. C’est très préoccupant pour les ressources, car la base de cette réunion, il ne faut pas l’oublier, c’est l’urgence de la situation. De plus, c’est le commerce international qui est responsable de la surpêche, et la CITES est l’organisme le plus apte à travailler sur le sujet pour s’assurer de la survie de cette espèce marine. Ce vote est un terrible échec.
Que pensez-vous de la position de l’Union européenne lors de la réunion ?
François Chartier : Il est vrai que les dissensions au sein de l’Union européenne n’ont pas facilité les choses. C’est, d’ailleurs, l'une des raisons de cet échec. La majorité des pays européens étaient réticents à la proposition de la Commission européenne et encore plus à celle de Monaco (qui souhaitait l'interdiction immédiate des exportations de thon rouge d'Atlantique-Est et de Méditerranée). L’Europe se disputait encore à la veille de la Convention. Ces luttes intestines ont fait perdre du temps, et probablement affaibli la mobilisation. Il est vrai que leur abstention lors du vote est assez surprenante. On se demande s’il s’agit d’un double jeu de la part de l’Europe ou si tout cela n’est plus simplement que le résultat des conflits internes qui divisent l’Union européenne.
Quelle est la prochaine étape ?
François Chartier : Il y a deux choses. Tout d’abord, la saison de pêche qui va débuter le 15 mai. Nous attendons de l’Union européenne, qui n’a jusqu’à présent fait que pousser à des quotas plus importants, une réaction en accord avec sa proposition lors de la CITES. Nous espérons qu’elle appliquera le principe de précaution pour rester cohérente avec ses propos. Il faudrait que l’Europe porte un moratoire sur la pêche au thon rouge. Évidemment, nous savons que des pays comme Malte, l’Espagne, ou la Grèce n’iront probablement pas dans ce sens, mais une décision unilatérale de la France est envisageable, à l’instar de l’Italie qui a déjà voté un moratoire en février.
La deuxième étape est la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT), prévue en novembre prochain. Cette institution a été incapable jusqu’à présent de gérer la pêche, de suivre les indications des scientifiques et même de s’appliquer ses propres règles. Pour l’instant, c’est l’industrie qui fait la loi et elle n’a qu’une vision à court terme. Il faut que cela change et c’est la raison pour laquelle nous plaidons en faveur de la pêche artisanale qui permettra de nous orienter vers une gestion durable de la pêche. La pêche industrielle ne mènera qu’à la disparition des espèces et celle du métier de pêcheur.