Inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, le mausolée révéré des puissants souverains traditionnels du sud de l'Ouganda a brûlé, mardi, dans un mystérieux incendie qui a suscité des manifestations de colère réprimées dans le sang.
AFP - Un mystérieux incendie a ravagé mardi soir près de Kampala le mausolée révéré des Kabakas, puissants souverains traditionnels du sud de l'Ouganda, suscitant des manifestations de colère réprimées dans le sang par les forces de sécurité.
Deux manifestants ont été tués mercredi, selon l'armée, et au moins neuf blessés selon la Croix-Rouge, dont sept par balle, aux abords du mausolée, après que la police a ouvert le feu pour disperser une foule hostile au président ougandais Yoweri Museveni venu visiter le site.
"Il y a un groupe qui s'est opposé aux forces de sécurité sur place avant l'arrivée du président. Ils étaient violents et quand ils nous ont fait face, nous avons tiré en l'air pour les disperser", a affirmé la porte-parole de la police nationale Judith Nabakooba.
Inscrit depuis 2001 au patrimoine mondial de l'Unesco, le mausolée de Kasubi est un site d'une trentaine d'hectares, avec en son centre une vaste colline, abrite les tombes des Kabakas (rois) du Buganda. Il s'agit du premier des royaumes coutumiers du pays sur une riche région bordant le lac Victoria dont l'Ouganda contemporain tire son nom.
Très influents économiquement et politiquement, les Bagandas, une des principales tribus ougandaises, sont viscéralement attachés à leur royauté, et vénèrent aujourd'hui Ronald Muwenda Mutebi II, symboliquement rétabli dans ses droits en 1993 par le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986.
Le mausolée de Kasubi, où le Kabaka et son entourage tiennent régulièrement des cérémonies religieuses, joue un rôle majeur dans la culture des Bagandas. Il est également devenu un site touristique réputé.
Il est un témoignage rare de la culture de ces puissants royaumes pré-coloniaux des Grands lacs d'Afrique centrale.
L'ancien palais des Kabakas avait été construit à Kasubi en 1882. Quatre tombes royales, dont celles de Mutesa I (1835-1884) et Basamula Mwanga II (1867-1903), y sont aménagées sous des bâtiments de bois, de chaume et de roseaux.
Mercredi, alors que la tension était déjà élevée depuis l'incendie, des partisans de l'actuel Kabaka ont hué le président Museveni à son arrivée aux abords du mausolée et mis en place des barricades. C'est alors que les forces de l'ordre sont intervenues.
M. Museveni est finalement parvenu à visiter le site du mausolée.
"J'ai des soupçons. Cela pourrait être criminel", a-t-il déclaré aux gardiens du mausolée pendant sa visite.
"Le problème, c'est que l'endroit a été altéré. Des gens sont entrés et ont désorganisé le site (de l'incendie) mais nous allons enquêter et en trouver la cause", a-t-il ajouté.
La sécurité présidentielle a ensuite dû batailler pour se frayer un chemin à travers la foule afin de permettre au président de quitter les lieux. Des milliers de manifestants ont alors immédiatement de nouveau investi le mausolée, accusant le gouvernement d'être derrière l'incendie.
Si l'activité demeurait normale dans le centre-ville, elle tournait au ralenti dans les quartiers populaires où des centaines de jeunes se rassemblaient pour exprimer leur colère ou se mettaient en route vers le mausolée.
En septembre 2009, des émeutes dans la capitale de ces partisans du Kabaka, sévèrement réprimées par la police et l'armée, avaient fait une quinzaine de morts.
De nombreux Bagandas s'estiment marginalisés par le président Museveni, qui sera sans doute candidat à sa propre succession en 2011.
Un porte-parole du Kabaka, Peter Mayiga, a décrit l'incendie comme "une attaque contre le Buganda", sans cependant nommer de coupable.
Accident ou acte délibéré, cet incendie contribuera à tendre la situation politique en Ouganda à l'approche de l'élection présidentielle.