Quarante ans après sa mort, Ahmed Sékou Touré, père de l’indépendance guinéenne, est plus populaire que jamais chez une jeunesse ouest-africaine en mal de héros. Une réhabilitation qui passe sous silence les dizaines de milliers de morts imputés à son régime, les camps de torture et les prisons politiques, dont les traces s’effacent peu à peu dans le pays. Reportage de notre correspondante, Sarah Sakho.
En Guinée Conakry, depuis le coup d’État de 2021, il est une figure qui revient sans cesse dans les discours des autorités militaires : Ahmed Sékou Touré, héro de l’indépendance. Le régime au pouvoir multiplie les hommages, entre restitution de propriétés à la famille de l’ancien président - qui a dit "non" au Général de Gaulle en 1958 -, et décret pour renommer l’aéroport national en son honneur.
Mais cette démarche des autorités militaires passe sous silence les crimes et la face sombre de l'ancien homme fort du pays. Dans la capitale Conakry, les traces des atrocités du régime, comme le tristement célèbre camp Boiro et ses 50 000 morts, s’effacent peu à peu. De quoi raviver la blessure des nombreuses victimes de Sékou Touré, qui craignent de voir ses crimes tomber dans l’oubli et l’histoire se répéter.
A l’occasion des quarante ans de la mort du père de l’indépendance guinéenne, nous nous sommes rendus à Conakry, où se joue une véritable bataille mémorielle autour de la figure de Sékou Touré. Un combat historique, qui résonne plus que jamais dans la sous-région, où putschs et régimes autoritaires se multiplient.